• Le Figaro vantait le charme « rustique » du Touquet


     En ce début d’été 1892, Le Figaro conseille chaudement une récente station balnéaire: Le Touquet-Paris plage. Il est vrai que l’idée de créer ce lieu de villégiature émane d’un ex-patron du journal...

     

    Le Figaro vantait le charme « rustique » du Touquet


     À l’approche de l’été 1892, Le Figaro distille ses bons conseils pour une tendance qui touche depuis peu un public élargi: le séjour balnéaire. « Allez-vous à la mer pour exhiber les domestiques ou pour réconforter les enfants ? », s’interroge l’auteur de cet article paru le 6 juin. Pour ceux qui optent pour la deuxième possibilité, qui n’ont pas l’intention « de faire sauter les banques au casino » et dont les épouses n’ont pas pour objectif de « faire quatre toilettes par jour, dont une toilette de bal », le journaliste recommande vivement une station encore peu connue.

    Pour tous ceux qui veulent « la mer pour la mer », il suffit de prendre « un billet pour Le Touquet, autrement dit Paris-Plage, vous descendez du train à Etaples, et, quatre heures après avoir quitté Paris, vous êtes arrivés. » L’atout du lieu ? Il allie les joies de la mer à celle de la forêt puisque la station est bordée d’une pinède de 800 hectares. « Point n’est besoin d’être grand clerc pour deviner que c’est là un séjour éminemment hygiénique par le bon ménage que font, d’un bout à l’autre de la saison, l’air maritime et l’air résineux. »

     

    Le Figaro vantait le charme « rustique » du Touquet 
     

    L’« Arcachon du Nord »

    Il convient cependant de rajouter que Le Touquet n’est pas vraiment étranger au Figaro de l’époque. L’idée de créer une station balnéaire à cet endroit émane en effet d’Hippolyte de Villemessant qui n’est autre qu’un ex-patron et repreneur du journal. Convié par son ami Jean-Baptiste Daloz à une partie de chasse dans son domaine du Touquet en 1874, c’est lui qui lui suggère d’en faire une station balnéaire et de lui donner le nom de « Paris-Plage ». C’est lui aussi qui s’enthousiasme pour la beauté des lieux les qualifiant d’« Arcachon du Nord », un terme longtemps repris dans les publicités de la station.

    Et depuis sa création, la station a déjà bien poussé au pied de la pinède. « Cette forêt elle est unique, elle suffirait à justifier les progrès qui se sont accomplis depuis dix ans, à son ombre maternelle, écrit le quotidien. Les cent cinquante habitations du Touquet sont ses filles ; au début, elles étaient de bois, mais les enfants s’émancipent ! Ce sont aujourd’hui des cottages de briques fort joliment tournés en style normand ou flamand par la main de M. Guillemin, l’ingénieux architecte parisien. »

     

    Un casino dès 1897

    Preuve de l’engouement du public : une cinquantaine de nouveaux cottages sont sortis de terre cette année-là et par ailleurs : « cinq hôtels sont ouverts à ceux qui préfèrent la vie commune ». Si pour l’instant, il est encore temps de profiter « des grâces toutes rustiques de Paris-Plage », l’auteur craint que le « jour viendra, sans doute, où les propriétaires de la forêt du Touquet, las de résister aux sollicitations dont ils sont assaillis, permettront la construction d’un casino ». Il arrivera effectivement dès 1897.

    En attendant, dans un vibrant plaidoyer de pur Parisien, le journaliste souligne : « Le Touquet offre toutes les ressources qu’on est en droit d’attendre d’une station qui a mérité le surnom de Paris-Plage. Si le Marché ne peut pas rivaliser avec les Halles Centrales, la Chapelle avec Notre-Dame, la poste et le télégraphe avec les bureaux de la rue J.-J. Rousseau, la nature, la seule nature vous en console. »

     

    Le Figaro vantait le charme « rustique » du Touquet


     Le Figaro vantait le charme « rustique » du Touquet

     Le Figaro vantait le charme « rustique » du Touquet

     Une station balnéaire pour tous ceux qui veulent « la mer pour la mer »

    Article paru dans Le Figaro


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  • Les silhouettes de guerre croquées par Pierre Poterin du Motel
     Les poilus de Poterin du Motel. D.C

     

    Combien de jeunes artistes ont été fauchés par la Grande Guerre ? Combien ont disparu avant de pouvoir réaliser l’œuvre qu’ils portaient en eux ? Pierre Poterin du Motel est de ceux-là. Mort au front, à 23 ans à peine, alors qu’il commençait à se faire remarquer grâce à ses talents de dessinateur. En 1921, l’écrivain Francis Carco cite son nom en égrenant la triste liste des « humoristes » tombés pour la France : « Déplorons ici la mort de Georges Omry, celles de Jean Morin (le fils de Louis Morin), de Starck, de Frédéric Puechmagre, de Jean Guiet, de Louis Busson, de Nollat, de Pierre Poterin du Motel, de Pierre de Coutouly, de Georges Drechsler »

    Pierre Poterin du Motel naît en 1895, dans une vieille famille de la noblesse qui a donné au pays nombre d’officiers et de médecins. Son père, Jean, fait cependant figure d’original, voire de vilain petit canard dans la dynastie. Vers 1900, il obtient par relation un emploi à Hanoï, en Indochine, et y déménage avec sa femme et leurs deux enfants, Pierre et Germaine. Mais il mène joyeuse vie et se met à l’opium, laissant son épouse et ses enfants dans la misère, selon les souvenirs familiaux.

    De retour à Paris, Pierre poursuit ses études au lycée Condorcet, et s’inscrit à l’Académie Julian, une école privée de peinture et de sculpture fondée par le peintre Rodolphe Julian, qui prépare les élèves à entrer aux Beaux-Arts.

    Son cursus s’arrête vite. Au début de la guerre, il s’engage. Il rejoint d’abord le 12e régiment de cuirassiers. Puis, à sa demande, il passe de la cavalerie à l’infanterie. Il devient aspirant au premier bataillon de chasseurs à pied. Sur les photos d’époque, c’est un grand jeune homme souriant, une petite fossette sur la joue, droit dans ses bottes.

     

    Les silhouettes de guerre croquées par Pierre Poterin du Motel
     Pierre Poterin du Motel vers 1916. DR

     

    Au front, il n’est pas le dernier à se battre. Sa bravoure lui vaut la médaille militaire et quatre citations à la croix de guerre. Il n’en continue pas moins à dessiner. Des tranchées, il envoie des dessins à ses amis, son cousin Robert resté dans le Maine-et-Loire, ainsi qu’au Salon des humoristes créé quelques années auparavant pour les dessinateurs et les caricaturistes. Deux de ses œuvres y sont exposées au printemps 1917 puis au printemps suivant.

    La planche ci-dessus est réalisée alors qu’il se trouve encore au « 12e cuir », comme il l’indique après sa signature. Les moyens à sa disposition sont rudimentaires. Du mauvais papier. Un peu de noir, d’ocre et de bleu. Mais le coup d’œil est là, le coup de crayon aussi.

    Tout le petit monde des boyaux est croqué sur le vif, et gentiment caricaturé. Le cycliste, les guetteurs qui baillent, les « huiles ». Les hommes de la « 14e escouade du Génie » en train de préparer leur matériel. Le cuistot, assis sur son seau devant la lessive qui fume. Les dératiseurs déposant de la mort-aux-rats dans une fente, alors qu’un rat trotte à un autre endroit du dessin. Les « terribles torriaux », un jeu de mot d’époque sur les « territoriaux », ces hommes de 35 à 50 ans mobilisés pour aider l’armée d’active. Les agents de liaison. Un grand soldat des transmissions aux faux airs de « Monsieur Hulot » avec sa pipe au bec…

     

    Les silhouettes de guerre croquées par Pierre Poterin du Motel


     

    L’ambiance paraît bonhomme, comme si les « Boches » étaient loin. Ils rattrapent vite le jeune dessinateur. En septembre 1918, les armées alliées lancent une offensive pour reprendre du terrain sur les Allemands dans le secteur de Sommepy, en Champagne. La ligne de front n’y avait pratiquement pas bougé depuis septembre 1915. Les combats durent des jours et des jours. Les Français finiront par franchir les tranchées allemandes et prendre la « crête d’Orfeuil ». Mais le sergent Poterin du Motel ne voit pas cette victoire. Il meurt le 30 septembre, dans une ambulance, après avoir assuré un service de liaison pendant une attaque devant Sommepy. « Tombé glorieusement au champ d’honneur », selon la formule consacrée. L’armistice est signé moins de deux mois plus tard.

    Article paru dans le blog du journal Le Monde


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  • Où l’on rencontre l’homme qui a sauvé les chefs-d’œuvre du Louvre. 

     

    1940, Paris vient de tomber aux mains des Allemands ! Franz von Wolff-Metternich, envoyé par le régime nazi, se précipite au musée du Louvre.

    Chargé du patrimoine artistique des territoires occupés, il doit s'assurer que les œuvres sont bien en sécurité...

    Mais à son arrivée, il ne découvre que des salles vides. Seuls quelques cadres jonchent le sol. Où sont donc passés les chefs-d’œuvre du Louvre ?

     

    Il n’y a rien à voir !
     Marc Vaux, La Grande Galerie abandonnée, semaine du 16 sept. 1939 (?), contretype ancien fait pour le Louvre par Alexandre Séarl, Musée du Louvre, Paris © Musée du Louvre / © Centre Pompidou MNAM Bibliothèque Kandinsky / Marc Vaux

     

    Ils ont fui à l'approche des Allemands ! C'est Jacques Jaujard, le directeur des musées nationaux, qui a pris la décision de les faire partir dès l'entrée en guerre. Cet homme d'exception a eu du flair...

    Depuis des années, craignant un possible conflit et des bombardements, il préparait un plan d'évacuation.

    Ainsi, en 1940, les œuvres sont sous bonne garde au château de Chambord.

     

    Il n’y a rien à voir !
     Aphrodite, dite la Vénus de Milo, en cape © 1939 Musée du Louvre / Alexandre Séarl

     

    Au fil de l'avancée allemande, les œuvres sont ensuite dispersées en province. La célèbre Joconde finit son périple au château de Montal dans le Lot. Elle y reste cachée durant toute la guerre !

    Plus de 4 000 œuvres ont ainsi été lancées sur les routes de France… 

     

    Il n’y a rien à voir !

    Pierre Jahan, Dévoilement de la Joconde, 17 juin 1945 (?), Musée du Louvre, Paris © Musée du Louvre / Photo Pierre Jahan

     

    Cette incroyable épopée n'a été possible que grâce à Jaujard et ses employés. Grâce aussi à un allié inattendu... Wolff-Metternich lui-même !

    Ce dernier a beau être au service d'Hitler, en vrai historien d'art, il n'hésite pas à soutenir et à couvrir les agissements de Jaujard. Il empêche d'ailleurs le retour des œuvres à Paris, malgré la convoitise des nazis...

    Et grâce à ces deux hommes devenus amis, toutes les œuvres réintègrent leur musée dès la fin de la guerre, sans aucune détérioration !

     

    Il n’y a rien à voir !

    Départ de la Victoire de Samothrace © 1939 Musée du Louvre / Alexandre Séarl 

    Article paru dans Artips 


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    14-18 une guerre « totale »

    Portail de la mairie de Cordes

     

    La guerre de 14-18 une guerre « totale » au sens où toute la nation devient combattante et où les populations de l'arrière ont autant d'importance que les poilus des premières lignes. Nous avons évoqué précédemment les femmes, puis les enfants. Parlons aujourd'hui d'une autre catégorie de combattants : Les élus municipaux.

    On a du mal à se rendre compte de l'énorme travail fourni par le conseil municipal au cours des années de guerre. Rappelons tout d'abord un handicap : au moment même où les problèmes à résoudre augmentent, le nombre des élus diminue suite à la mobilisation générale : sur quinze élus, cinq sont mobilisés. De plus, au début de 1918, le maire Jean-Louis Favarel décède : impossible de le remplacer avant la fin des hostilités. La tâche est tellement lourde qu'il est demandé à l'autorité militaire de nommer, pour un service partiel du conseil municipal, Ernest Tisseyre, élu cordais mobilisé comme réserviste mais détaché au Ministère de l'Agriculture.

    Les élus ont à mener la bataille sur trois fronts principaux. Le premier est celui des travaux habituels comme en temps de paix : ils sont rendus plus difficiles à cause du manque de travailleurs et de la montée des prix : un mur qui s'écroule ici, un égout bouché là, de vieux arbres qui menacent de bloquer un chemin en tombant, l'hygiène aux abattoirs qui ne répond plus aux normes... il n'y a pas de répit dans cette offensive aggravée du fait des lois nouvelles décrétées par le gouvernement et qui nécessitent beaucoup de temps et d'énergie, ne serait-ce que pour les étudier.

    La deuxième ligne de feu est faite d'impromptus qui viennent comme de soudaines salves d'artillerie : ce sont les demandes de la préfecture imposant une réaction immédiate non seulement pour obéir mais aussi pour donner le compte-rendu de leur exécution : vingt couvertures à rassembler immédiatement : il faut les acheter faute de pouvoir les trouver sur Codes même... organiser l'accueil d'une quarantaine de réfugiés qui arrivent à la gare de Vindrac... libérer une maison assez grande pour loger le contingent de prisonniers allemands... visiter chaque exploitation agricole pour voir si toutes les terres sont cultivées et envoyer à la préfecture la liste précise d'éventuelles friches... surveiller chaque foire, chaque marché hebdomadaire et faire connaître l'évolution des prix de basse... collecter les emprunts en franc-or pour la défense nationale, etc, etc... De plus, il faut toujours un élu pour accompagner les délégations militaires venant régulièrement réquisitionner des chevaux, des bœufs, des chiens, des céréales, du fourrage...

    Enfin et surtout il y a le combat permanent à mener contre la misère pour protéger autant faire se peut la santé des habitants les plus fragiles, notamment les personnes âgées. Les élus sont certes aidés par quelques personnes formant le Comité de bienfaisance qui recueillent les demandes d'aide et dont des propositions mais c'est à eux les élus à prendre les décisions au cas par cas. Cela occupe une part importante des réunions du conseil municipal sans parler du travail d'information en amont. En 1914, l'État a décidé que l'allocation mensuelle donnée aux « indigents » ne pouvait pas dépasser 20 francs.

    Le montant de l'allocation dépend de la situation réelle de tout un chacun, ce qui impose aux élus de connaître cette situation ; les comptes-rendus des séances du Conseil municipal montrent par leur précision qu'ils prennent cela très au sérieux. Il faut savoir d'ailleurs qu'ils sont très surveillés par l'administration préfectorale. C'est ainsi par exemple que, le 7 juin 1916 une lettre du préfet ordonne au maire de Cordes de supprimer l'allocation à la moitié environ des bénéficiaires, car leur nombre dépasse trop la moyenne du département ( !...). Et voilà les élus prenant la liste des personnes aidées et répondant au préfet pourquoi ils refusent de supprimer l'allocation à telle ou telle personne. Non seulement cela montre le sérieux avec lequel ils « défendent » les administrés, mais aussi donne une idée de leur charge de travail car ils ont à s'occuper ainsi, une par une, de quelques 71 personnes, et pour beaucoup, le montant de l'allocation varie de mois en mois selon l'évolution du coût de la vie.

    Ajoutons à ce nombre la liste des femmes enceintes dont la situation financière est fragile et qui perçoivent une allocation spéciale pour l'accouchement entre 1914 et 1918, elles sont au nombre de 49.

    Enfin n'oublions pas les urgences : à huit reprises les élus devront décider l'hospitalisation de malades à la dernière extrémité qu'on ne peut prendre en charge sur place, hospitalisation soit au Bon Sauveur d'Albi soir à l'hôpital de Gaillac. Et en 1914 les communications sont loi d'être aussi faciles qu'aujourd'hui !

    Article paru dans Cordes Infos


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