• Berty Albrecht

    Résistante de la première heure et activiste du mouvement Combat, Berty Albrecht s'est donné la mort le 31 mai 1943 à la prison de Fresnes, après avoir été arrêtée par la Gestapo.

    Le 29 octobre 1945, en fin d'après-midi, salle des drapeaux du musée de l'Armée aux Invalides, l'instant est solennel : sous la présidence d'Henri Frenay, ministre des prisonniers, déportés et réfugiés, a eu lieu le tirage au sort des héros dont les dépouilles reposeront au Mont Valérien : « Est-ce un hasard ou la volonté de la providence qui a fait sortir des urnes le nom de Berty Brecht ? Je ne crois pas au hasard. Qui mieux que ma chère et vieille amie pouvait représenter les femmes françaises de la Résistance ? ». Cet aveu à demi-mot en dit long sur l'attachement de Frenay, chef du mouvement Combat, à sa compagne de cœur et de lutte :  « Elle a tout donné à la France, son confort, sa liberté, sa famille, et maintenant sa vie » ; et d'ajouter  « Je ne l'ai pas vue mourir mais je sais qu'elle est morte bravement, je sais qu'elle n'aura pas faibli et qu'elle aura souri par dessus les gueules hideuses des fusils allemands ». Deux mois après l'arrestation de Berty Brecht, Aragon, bouleversé, lui rend hommage dans un émouvant poème : « Une Française décapitée à la hache ». La légende de sa mort est née. 

    Qui est cette résistante de la première heure? Rien ne dispose Berthe Wild, née le 15 février 1893 à Marseille, dans une famille de la grande bourgeoisie protestante, à s'engager dans la destinée héroïque. C'est une femme qui refuse le statut que lui impose son époque. Mariée à un riche banquier de la City de Londres, Frédéric Albrecht, elle mène une vie luxueuse. À l’étroit, elle préfère aux dîners de la haute société londonienne respirer l'air de l'émancipation du côté des féministes anglaises qui militent pour l'égalité des sexes, la contraception et l'avortement. Aussi les Albrecht ne tardent-ils pas à se séparer. En 1931, Berty s'installe avec ses deux enfants à Paris, où elle fréquente les intellectuels et les artistes proche du Parti Communiste. Militante infatigable, elle crée, en novembre 1933, une revue ayant pour titre Le Problème sexuel dans laquelle elle défend le droit des femmes et préconise le contrôle des naissances. C'est pour être plus proche des travailleuses qu'elle devient surintendante d'usine, dévouée au bien-être des ouvrières. Une avant-gardiste. 1934 est l'année de son coup de foudre pour un jeune saint-cyrien, Henri Frenay, qu'elle rencontre chez des amis. Tout les sépare : il a douze ans de moins qu'elle et provient de la petite bourgeoisie catholique, alors qu'elle s'affiche comme une sympathisante de gauche, résolument pacifiste, et protestante. Mais tous les deux s'inquiètent de la montée du nazisme.

    Après l'armistice, à l'automne 1940, elle est persuadée qu'il faut agir sans tarder. D'abord en aidant le sprisonniers évadés à franchir la ligne de démarcation, à Vierzon où elle travaille aux usines Fulmen. Ensuite en dactylographiant, début 1941, les premiers bulletins de propagande du Mouvement de libération nationale (MLN), fondé par Henri Frenay. Elle trouve le premier imprimeur qui accepte de tirer le journal Les Petites Ailes à 2000 ou 3000 exemplaires, puis le journal Vérités, à partir de septembre 1941. Enfin naît Combat sous l'impulsion de celui qu'elle aime, Henri Frenay. Elle entreprend de créer au sein du mouvement un service social pour venir en aide aux camarades du mouvement emprisonnés et à leurs familles. À 48 ans, elle est, pour lui, à la fois le bras droit, son sergent recruteur, sa secrétaire, sa fidèle conseillère, sa complice intellectuelle.

    Arrêtée en avril 1942, Vichy l'interne en mai, à Vals-les-Bains. Transférée à la prison Saint-Joseph à Lyon après une grève de la faim, elle simule la folie et est internée à l'asile de Vinatier, dont elle s'évade, le 23 décembre 1942, grâce à un coup de main d'un commando de Combat et l'aide de sa fille Mireille. Épuisée, mais toujours aussi déterminée, elle se réfugie chez les parents de Danielle Gouze, futur Danielle Miterrand, à Cluny, en Bourgogne. On lui propose de rejoindre Londres. Elle refuse. Le rendez-vous de Macon du 28 mai 1943 est le rendez-vous de trop. La Guestapo l'attend. Direction fort de Montluc à Lyon, puis Fresnes où elle est incarcerée le 31 mai à 0h15. Elle se la mort par pendaison cette nuit-là.

    Si de Gaulle, alors qu'il la savait d'un autre « camp » la fait Compagnon de la Libération, médaille militaire, Croix de guerre avec palme, médaille de la Résistance avec rosette, c'est parce qu'il en avait compris la valeur et la grandeur. Berty Albrecht est inhumée dans la crypte du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien.

    Article tiré de « Les Chemins de la Mémoire »


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