•  Olga Bancic

    Seule femme parmi les vingt-trois condamnés à mort du groupe Manouchian, engagée dans les FTP-MOI, Olga Bancic fut une des premières à entrer dans la lutte armée. Arrêtée avec Marcel Rayman en novembre 1943, elle sera déportée en Allemagne pour y être exécutée, le 10 mai 1944.

    C'est au cours de son transfert à la prison de Stuttgart, où elle sera décapitée le 10 mai 1944, qu'Olga Bancic jette par une fenêtre une dernière lettre pour sa fille, accompagnée, d'une note, dans une enveloppe adressée à la Croix-Rouge :

    « Chère Madame,

    Je vous prie de bien vouloir remettre cette lettre à ma fille Dolorès après la guerre. C'est là le dernier désir d'une mère qui va vivre encore 12 heures. Merci »

    « Ma chère petite fille, mon cher petit amour,

    Ta mère écrit la dernière lettre, ma cher petite, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus. Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n'auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour. J'ai toujours ton image devant moi. Je vais croire que tu verras ton père, j'ai l'espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j'ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur. Tous les deux vous m'êtes chers. Ma cher enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t'aime beaucoup. Tu ne sentiras pas le manque de ta mère. Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l'espérance que tu seras heureuse pour toute la vie avec ton père, avec tout le monde. Je vous embrasse de ton mon cœur, beaucoup, beaucoup. Adieu mon Amour. Ta mère. »

    Golda (dite Olga) Bancic est née le 10 mai 1912 dans une famille juive de Bessarabie, province russe annexée en 1918 par la Roumanie. Elle travaille dans une usine de matelas et participe dès 1924 à sa première manifestation. Arrêtée par la police roumaine, elle est sévèrement battue car elle est communiste et juive. Elle poursuit néanmoins la lutte syndicale malgré les dangers encourus. Militant au sein des jeunesses communistes de Roumanie, elle participe notamment à la création d'un Front populaire contre le fascisme. Plusieurs fois arrêtée, condamnée et emprisonnée, elle est traquée et doit s'exiler en France, en 1938, où elle s 'engage en faveur des Républicains espagnols.

    Marié à Alexandre Jar et mère d'une petite Dolorès, née en 1939, elle décide de mettre celle-ci en sécurité dans une famille française afin de s'engager dans la lutte armée. Elle rejoint les Francs-Tireurs et Partisans de la main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) en 1942 et participe sous le pseudonyme de « Pierrette » à des attentats. Elle est notamment chargée du transport des armes et de la fabrication d'engins explosifs. Arsène Tchakarian, un de ses anciens compagnons de lutte écrit à son propos :  Les femmes – Anna Richter, Olga Bancic – devaient, à l'heure dite, apporter des grenades et des revolvers (nous en avions trop peu). Puis il fallait les récupérer après l'action. Ce qui les exposait terriblement, car après le bouleversement d'un attentat, le quartier était tout de suite encerclé par la sécurité allemande, les maisons fouillées et quelques fois les rames du métro arrêtées. Les hommes qui avaient tiré s'enfuyaient immédiatement à vélo, mais Olga qui avait attendu que les combattants aient fini leur travail, ne bougeait pas et elle récupérait les armes près d'un métro. […] Olga participa à une centaine d'attaques contre l'armée allemande, c'est-à-dire près de la moitié des combats menés par le groupe Manouchian. Nous ne savions rien d'elle, pour des raisons de sécurité. Pour elle, semblait-il, seul l'idéal comptait. Le vendredi soir, elle était toujours anxieuse. J'avais compris qu'elle avait un enfant quelque part, qu'elle allait voir le samedi. »

    Arrêtée le 16 novembre 1943, Olga Bancic est atrocement torturée. Seule femme parmi les vingt-trois résistants condamnés à mort le 19 février 1944, elle est envoyée en Allemagne pour y être exécutée le jour de son trente-deuxième anniversaire. La mémoire de cette figure de la résistance féminine étrangère a été honorée à plusieurs reprises, notamment en 1995, avec l'apposition d'une plaque à son nom sur un des murs du carré des fusillés au cimetière d'Ivry, à la demande de l'Union des résistants et déportés juifs de France. En 1999, le Conseil supérieur de la mémoire a également souhaité qu'elle figure auprès de quatre autres résistants – Jean Moulin, Jean Éboué, Pierre Brossolette et l'amiral Le Trolley de Prévaux – au cours d'une cérémonie organisée à l'École militaire à Paris.

    Article paru dans « Les Chemins de la Mémoire »


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