• Effacée mais déterminée, elle a joué un rôle essentiel, bien que méconnu, pour faire innocenter son époux.

    Le 15 octobre 1894, à 13 heures, on sonne chez les Dreyfus. Lucie attend son mari, qui doit rentrer du ministère de la Guerre, pour déjeuner. Un officier est à la porte : « J’ai, madame, une bien triste mission à remplir, lui annonce son visiteur. Votre mari est incarcéré. » Le capitaine Dreyfus est accusé d’espionnage. Lucie est abasourdie. Trois semaines auparavant, une femme de ménage travaillant pour les services français a découvert dans les poubelles de l’ambassade d’Allemagne une lettre faisant état de secrets militaire français. L’affaire Dreyfus commence.

     

    Lucie va donner à son mari incarcéré la force de survivre

     

    La femme du capitaine Dreyfus

    Juif, d’origine alsacienne, âgé de 35 ans, Alfred Dreyfus a épousé quatre ans auparavant Lucie Hadamard, de dix ans sa cadette. Seconde d’une fratrie de cinq, elle est issue de la bourgeoisie parisienne. Son père a fait fortune dans le négoce de diamants, sa mère est fille de polytechnicien. Instruite par des précepteurs, elle joue au piano Bach, Mozart et Beethoven. Ils forment un couple amoureux.

     

    La femme du capitaine Dreyfus

     

    Et de l’amour, il va leur en falloir. Dans une époque marquée par la montée de l’antisémitisme, un Juif ne peut être que coupable. Alfred Dreyfus est condamné à la déportation perpétuelle le 22 décembre 1894. Il est anéanti. Seule sa famille croit en son innocence, à commencer par Lucie, pleine de sang-froid et loyale envers son mari. Sans elle, l’affaire Dreyfus n’aurait jamais existé, comme l’écrit Élisabeth Weissman dans son livre très documenté (Lucie Dreyfus, la femme du capitaine). Brisé, il n’aurait pas eu la force de survivre au bagne de Cayenne sans le soutien de sa femme, qui va se battre pour faire réviser son procès.

    Dès l’incarcération de son mari, Lucie, qui ne s’habille plus qu’en noir, écrit à Alfred des lettres passionnées. Toutes sont interceptées et recopiées avant d’être réexpédiées. Beaucoup sont censurées. Lucie entreprend des démarches pour le rejoindre. Refus de l’Administration.

     

    Un combat mené par des hommes

    La famille, les amis, se mobilisent avec à leur tête Mathieu, le frère de Dreyfus. Dans ces années-là, un combat est une affaire d’hommes. Mais Lucie est toujours en première ligne, déterminée. En mars 1896, le colonel Picquart, chef du renseignement, découvre le vrai coupable : un certain Ferdinand Walsin-Esterhazy. Jugé, il est pourtant acquitté.

    Le 13 janvier 1898, Zola publie son fameux « J’accuse… ! » à la une de L’Aurore. Divisée, la France s’enflamme pour l’Affaire. Dreyfus est de nouveau jugé, de nouveau condamné, avant d’être gracié par le président Loubet. Enfin, le 20 septembre 1899, Alfred Dreyfus retrouve, après 1500 jours dans l’enfer de l’île du Diable, en Guyane, la liberté, ainsi que sa chère femme et ses deux enfants. Pierre et Jeanne. Lucie ne s’habille plus en noir. Une vie (presque) normale reprend. Le capitaine Dreyfus, réhabilité en 1906, mourra en 1935. Pendant la Première Guerre mondiale, Lucie s’engage dans les œuvres sociales et passe son diplôme d’infirmière en 1933. Elle s’éteindra le 14 décembre 1945, à l’âge de 76 ans, totalement oubliée.

     

    L’affaire couta une véritable fortune aux Dreyfus

    La famille Dreyfus ne consacra pas que du temps et de l’énergie pour faire innocenter l’officier. Jean-Louis Lévy, son petit-fils, estima, dans une postface au livre de son grand-père, Cinq année de ma vie, que sa famille dépensa l’équivalent de deux millions d’euros.


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