• La littérature sur le pipi caca et les commodités, leur prolongement naturel, n'est guère abondante. Les tabous ont très longtemps fait de la résistance. Ils ne sont pas tous tombés. Petite histoire des lieux d'aisance et des mentalités, d'avant-hier à aujourd'hui.

      

    Vespasienne place de la Bourse vers 1865

    Il n'est rien, sinon l'amour et la mort, qui poursuive autant l'homme et la femme que les nécessités physiologiques. La satisfaction des besoins naturels est un acte essentiel et quotidien mais tabou dans la culture occidentale. La morale bourgeoise du XIXème siècle est passée par là alors même qu'une partie importante de la population mondiale vit au milieu de ses déjections.

    Auparavant, l'étron, sujet poétique, avait inspiré Rabelais tandis que le siècle des Lumières avait connu un âge d'or de la littérature scatologique. Reste, aujourd'hui, la médecine, la pharmacopée et l'agriculture où le pipi caca, de nécessaire s'avère quelquefois indispensable.

    La conquête progressive depuis le milieu des années 1960 d'un confort sanitaire de plus en plus élaboré qui réduit à néant, ou presque, les bruits et les odeurs, procède toujours de l'idéal rationnel et du conformisme social des hygiénistes de la Belle Époque. Sauf qu'aujourd'hui, idéal et conformisme s'inscrivent dans ce que l'on appelle communément la société de consommation...

    Déjà, en son temps, l'empereur Vespasien affirmait que l'argent n'a pas d'odeur ! En Matière d'hypocrisie, l'homo merdicus du XXIème siècle n'a rien à envier à son ancêtre d'il y a quelque cent cinquante ans.

    Les vécés n'ont pas toujours été fermés de l'intérieur. L'histoire des lieux d'aisances depuis la plus lointaine Antiquité en atteste. Aussi, sans fausse délicatesse, allons à leur rencontre, d’abord au dehors, en des lieux publics, avant de les aborder dans la sphère de plus en plus privée sous le s(c)eau des commodités.

    Du « tout-à-la-rue »...

    Dans leurs maisons comme dans leurs villes, les Romains furent les premiers hygiénistes du monde antique. D'aucuns prétendent qu'ils inventèrent le pot de chambre, généralement fabriqué en bronze. D'où, peut-être, l'expression bien connue...

    Contrairement à l'idée répandue, l'empereur Vespasien, dont le nom a té donné aux urinoirs installés sur les trottoirs à la fin du XIXème siècle, n'est pas à l'origine des latrines publiques à Rome.

    Petite histoire des lieux d'aisances (1ère partie)

    Latrines romaines

    Calculateur, il avait tout simplement levé un impôt sur la collecte d'urine utilisée par les teinturiers prouvant ainsi que l'argent n'a pas d'odeur.


    « Gare dessous »

    Au Moyen Âge, en matière de commission urgente, la pratique courante était le « tout-à-la-rue ». Soit on se déboutonnait sans façon dans une venelle, cloaque puant au nom bien senti comme rue Basse-Fesse ; soit on s'allégeait dans le vase de chambre aussitôt vidé par la fenêtre accompagné du cri : « Gare dessous ».

    Plus tard, dans les palais de la Renaissance, la vogue de la chaise percée fut concurrencée par la pratique de la cheminée qui, dans ses recoins, savait accueillir la décharge du ventre. Les mauvaises conditions générales de l'hygiène urbaine de l'Ancien Régime perdurèrent jusqu'au milieu du XIXème siècle, malgré le risque du tribunal. Le terme de police sanitaire apparut en effet en 1812. Cependant, dans les campagnes, régnait la libre expression des intestins et de la vessie. C'est ainsi que dans nos villages, l'usage de la ruelle perdura jusqu'à l'arrivée du tout-à-l'égout, dans les années 1960, ainsi que celui du ruisseau dans lequel, dès poltron-minet, de furtives silhouettes se débarrassaient du contenu du seau de chambre.

    Article paru dans L'Indépendant


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  • « Se retenir »

    Les premiers cabinets d'aisances en un lieu public virent le jour au palais-Royal peu avant la Révolution. Les vespasiennes, premières du nom, seraient apparues en 1830 sur les boulevards parisiens, précédant de onze ans celles du préfet Rambuteau. En 1843, Paris disposait de 468 urinoirs. Sous le Second Empire, le baron Haussmann prit le relais. A chaque rue son édicule... pour les hommes. Il fallut attendre les années 1870 pour voir apparaître les premiers chalets de nécessité. Ils accordaient aux Parisiennes les mêmes facilités qu'à leurs marie mais... en payant. Quant aux femmes du commun, la longueur des jupes facilitait la chose, surtout grâce au pantalon fendu.

    Hygiène, esthétique et ordre public conjugués, dans les années 1930 on commença à faire disparaître discrètement urinoirs et chalets de nécessité au risque d'embouteiller les lavatories souterrains.

    En 1960, cent trente vespasiennes disparaissent à Paris tandis qu'aucun lavatory n'avait été construit depuis 1939. Il fallut attendre 1977 et le retour d'un maire, 106 ans après la suppression de l'institution, pour voir l'apparition des sanisettes. Une initiative bientôt suivie en Province.


    Vespasienne du XIXème siècle détrônée début 1980 par la sanisette

    Aujourd'hui, celui des bipèdes résolu, un nouveau péril fécal (et financier) menace nos villes : les déjections canines...

    aux cabinets à l'anglaise

    Si les égyptiens rangeaient les fèces aux nombres de leurs idoles, leurs médecins s'intéressèrent très tôt aux vertus thérapeutiques de l'urine .

    N'était-elle pas susceptible d'apporter de l'éclat à l'émail des dents voire de rendre les femmes fécondes à la condition que le pissat appartint à un eunuque ?

    Dans la tradition antique de la médecine, l'examen attentif des urines était riche d'enseignement. Dès lors, l'urinal devait être en verre.

    Au Moyen Âge, il trouvait sa place sous les lits à côté des pots en terre.

    De la chaise percée...

    A la même époque, alors que les gens de basse condition se soulageaient le cul à l'air, les personnes de haute qualité s'exonéraient sur les chaises percées. Ainsi, le pudique Louis XI disposait d'une « chaire retrait » entourée de rideaux tandis que ses comptes révèlent qu'il achetait de l'étoupe de lin, l'ancêtre du papier hygiénique (inventé aux États-Unis).

    Le cardinal de Richelieu optera pour le chanvre et Madame de Maintenon pour la laine de mérinos... Quant aux pauvres, feuilles, herbes, cailloux et papier journal ont fait l'affaire jusqu'aux années 1960... Mais revenons à la chaise percée. C'est sur l'une d'elle qu'en 1589 Henri III tomba sous les coups de poignards du moine Jacques Clément. On sait également que Louis XIII recevait sur ce trône, de même que son fils Louis le Grand.

    Le XVIème siècle constitua un tournant s'agissant de la question des lieux d'aisances dans l'habitat.

    Généralement situés au centre du logis lorsqu'ils existaient, leur éloignement au grenier ou dans le jardin se précisa. Cela tint moins à la vue qu'à l'odorat. Du temps de la libre pissette, le mot de pudeur n'avait guère de signification. C'est ainsi qu'au Grand Siècle, lorsque les dames de la cour allaient écouter les longs sermons du père Louis Bourdaloue, elles se munissaient ostensiblement d'un petit vase auquel, bientôt, le jésuite donna bien involontairement son nom. Dans le même temps, le pot de chambre, souvent baptisé Thomas (allusion à l'antienne « Vide Thomas », poursuivait sa carrière, la faïence et la porcelaine se substituait au métal qui finissait par sentir.

    ...aux water-closets

    Au XVIIIème siècle, les Tuileries étaient un des lieux les plus empuantis de Paris. Le château et les jardins de Versailles n'avaient rien à leur envier même si Louis XV disposait d'un « cabinet de soupape ». Alimenté en eau au moyen de réservoirs placés en hauteur, ce dernier était muni d'une valve actionnée par un bouton de tirage tandis qu'un tuyau de plomb évacuait la matière vers une fosse. Ce fut le timide début des cabinets à l'anglaise, deux cents ans après leur invention en Grande-Bretagne. Dans l'immeuble haussmannien du XIXème siècle, le vase de nuit et le seau hygiénique en métal vécurent encore de beaux jours. En effet à Paris, l'eau courante n'atteignit le sommet des maisons de la rive droite qu'en 1865.

    L'année 1883 marqua, avec l'éloge de la chasse d'eau, une date dans la campagne des hygiénistes en faveur des water-closets. En 1936, la trombe d'eau fit une entrée remarquée tandis que la cuvette en porcelaine blanche, avec abattant de chêne ou d'acajou, s'était généralisée dans l'entre-deux-guerres. Elle devin d'un usage à peu près courant dans les villes après 1945, avec la reconstruction en Europe.

    Cuvette moderne

    Cependant, dans les campagnes, les « bonnes vieille méthodes » se maintinrent jusqu'à l'avènement du tout-à-l'égout, dans les années 1950-1960, selon les régions.

    Article paru dans L'Indépendant


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  • Le caganer apparaît en catalogne dans les pessebres (crèche de Noël) du XVIIIème siècle. Les excréments fertilisant la terre, il annonce une année à venir des plus fécondes. Le caganer, coiffé de la baratina et la pipe au bec, est aussi un porte-bonheur. Au sein de la crèche il est un des personnages de la vie quotidienne qui entourent la Sainte Famille.

    Le caganer

    La société Roca est la plus ancienne des entreprises barcelonaises spécialisées dans l'équipement de sanitaires depuis près d'un siècle.

    Elle a accompagné l'ouverture de ses nouveaux locaux, en 2010, d'une remarquable et instructive exposition intitulée : « El bany. Una retrospectiva historica ». Le visiteur y découvrait l'évolution des soins corporels du néolithique jusqu'à nos jours ainsi qu'une série d'ustensiles liés aux commodités.

    Cependant, le clou de l'exposition fut la présentation de la « garde-robes de commodités » de l'Impératrice Sissi et de son époux, l'Empereur François-Joseph.

       

                  Le vase de Sissi                      Le «Kaiser kloset» de François-Joseph

      

         

                         Le WC dauphin                                   La caisse de voyage

    Article paru dans L'Indépendant


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