• La dentelle au point d'Alençon : un savoir-faire ornais inscrit par l'UNESCO au patrimoine immatériel de l'humanité... On célèbre en 2015 le 350ème anniversaire de la Manufacture royale.

    La dentelle au point d'Alençon

    La dentelle au point d'Alençon est entièrement réalisée à l'aiguille courant sur un petit parchemin de couleur verte avec du fil de lin ou de coton de l'épaisseur d'un cheveu : patience, virtuosité, minutie et délicatesse. La technique nécessite 12 étapes : dessin, piquage, trace, réseau, rempli, modes, brode, levage, éboutage, assemblage, régalage, luchage. À l'atelier national, on alterne dentelle et broderie pour limiter la fatigue de l'œil. Aucune machine ne peut remplacer la souplesse et l'adaptation de la main à la tension du fil. Toute dentelle réalisé au point d'Alençon est donc unique.

    « Ce savoir-faire est attaché au territoire d'Alençon. Avec le classement UNESCO en 2010, sa défense devient un atout exceptionnel pour faire valoir la spécificité du musée des Beaux-arts et de la dentelle », souligne Johanna Allouch, conservatrice.

    Si les 2000 pièces des collections, celles du musée et celles déposées par l'association La Dentelle au Point d'Alençon, illustrent quatre siècle de création, le musée, qui multiplient les actions de médiatisation, conjugue la dentelle au présent : « Nous nous attachons à montrer que ce savoir-faire multiséculaire a des résonances dans la création contemporaines. Nos expositions sont attendues par un public impatient de découvrir de nouvelles facettes de cet art : en 2016, ce sera « Dentelles d'étoiles », une scénographie de costumes de danse ».

     

    La dentelle et ses bonnes fées

    Le savoir-faire de la dentelle au point d'Alençon, issu d'une tradition locale de dentelle à l'aiguille, est fixé depuis le tournant des XVIIème et XVIIIème siècles. Morcelé autant par nécessité que par souci de protéger le secret de fabrication, il aurait pu s'éteindre lorsque le besoin économique de la transmettre s'est éteint. « A chaque fois que le savoir-faire n'a plu tenu qu'à un fil, il s'est trouvé « une bonne fée » pour protéger sa transmission », souligne Marie-Noëlle Charuel-Hoffmann qui préside l'association La Dentelle au Point d'Alençon.

     

    Créée en 1965 pour assurer un relais déterminant, alors que le secret n'était plus détenu que par une seule personne, sœur Marie du Sacré-Cœur, l'association a poursuivi son action, se consacrant à la renommée de la dentelle d'Alençon. « Le gardien du temple est désormais le Mobilier national, nous sommes des veilleurs, des promoteurs d'idées pour la conservation et la valorisation de ce patrimoine ». L'association participe à des salons, des expositions, enrichit ses collections déposées au musée, encourage les artistes contemporains qui s'inspirent de la dentelle, crée des produits dérivés dont une collection du 50ème anniversaire (vendus au musée).

    « Des œuvres d'art anonymes ». Sa dernière initiative est une livret élégant et richement illustré « Au fil du réseau » qui, sous la plume de Sonia Brault, conte le demi-siècle de l'association et évoque ces dentellières qu'on ne voit jamais : « Les pièces de dentelle, ce sont des œuvres d'art anonymes et collectives, créées dans l'ombre et l'humilité, et mises en lumière par la mode ou le luxe », rappelle Marie-Noëlle Charuel-Hoffmann, soulignant la difficulté à valoriser ce patrimoine pourtant reconnu d'intérêt mondial.

     

    La dentelle au point d'Alençon

    Une nouvelle collection de produits dérivés et un livret « Au fil du réseau » réalisés par l'Association La Dentelle au Point d'Alençon

     

    C'est le même constat qui a fondé la journée d'études que vient d'organiser le département, comme l'explique Jean-Pascal Foucher, directeur des Archives départementales : « Pour valoriser le classement UNESCO, à partir des collections du musée d'Alençon et de la Maison des dentelles d'Argentan, des travaux historiques ou de figures marquantes de dentellières, il faut jouer à la fois sur l'excellence de ce savoir-faire et sur le fait que l'activité de la dentelle représente plusieurs siècles de vie sociale et économique de notre département et de ses habitants. »

     

    L'atelier national : le gardien du temple

    « La dentelle à l'aiguille au point d'Alençon ne peut être codifiée et n'a donc jamais été mécanisée », rappelle Marie-Hélène BERSANT, directrice de département au Mobilier national (ministère de la Culture), l'autorité de tutelle de l'atelier au point d'Alençon dont Bénédicte Leclercq est le référent technique.

     

    L'atelier emploi huit personnes, dentellières confirmées ou en apprentissage

    Recrutées sur concours au niveau du CAP de broderie, elles s eforment « pour atteindre un niveau d'excellence dans les techniques conservatoires et maîtriser toutes les étapes de fabrication. Cette formation ne peut se dérouler que dans l'atelier. La transmission est essentiellement orale, l'apprentissage se fait par la voix et le geste auprès des dentellières expérimentées. Pour faire une bonne dentellière, il ne faut pas moins de huit à dix ans. »

    Aux gestes conservatoires sur les motifs traditionnels, l'atelier ajoute un volet d'interprétation de modèles créés par des artistes contemporains, « c'est ainsi que la dentelle se réinvente. »

    Les travaux de l'atelier sont présentéslors d'expositions et on les retrouve, comme les pièces du Mobilier national, dans l'ameublement et la décoration des bâtiments de l'État. L'atelier confectionne également de petits motifs pour la vente au musée.

     

    La dentelle au point d'Alençon

     

    Points d'histoire

    « Tissu très ajouré sans trame ni chaîne, orné de dessins opaques variés », la dentelle suscite à partir du XVIème siècle un engouement qui se traduit par la création de nombreux centres dentelliers et la conception de points variés.

    Vers 1655 naît la dentelle au point d'Alençon, imitation du point de Venise, due notamment à Marthe de la Perrière. En 1665 est créée la Manufacture royale de dentelle au point de France. Alençon est l'une des huit villes où s'implante un établissement, dont un bureau ouvre à Argentan.

    La Manufacture n'est pas pas une « usine », c'est une société commerciale dont les investisseurs bénéficient d'un privilège royal pendant neuf ans pour exploiter un savoir-faire et un type de point.

    La production de dentelle s'accroît et triomphe jusqu'au XVIIIème siècle, 80 fabricants employant jusqu'à 10000 dentellières.

    « Le bassin de production s'étend sur une trentaine de kilomètres autour d'Alençon et d'Argentan. C'est d'ailleurs dans cette dernière qu'est établi le siège de la Manufacture royale de dentelle auu point de France pendant la première moitié du XVIIIème siècle. Le fabricant fournit aux dentellières le fil de lin et le modèle, elles œuvrent la plupart du temps à domicile. L'activité occupe des milliers de femmes de la campagne », explique Jean-Pascal Foucher, directeur des Archives départementales.

    Au XIXème siècle, la dentelle au point d'Alençon connaît son apogée artistique, proclamée « Reine des dentelles, dentelles des reines » à l'exposition universelle de Londres en 1851. Puis, sous l'effet des modes et de la mécanisation, l'activité décline. En 1880, on ne compte plus que 1500 dentellières. À partir de 1903, les actionsconjugées de la Chambre de commerce et d'industrie et des sœurs de la Providence permettront, avec la création de l'école dentellière, de maintenir le métier et de sauver la transmission du savoir-faire. Un rôle assumé à partir de 1965 par l'association La Dentelle au Point d'Alençon puis, depuis 1976, par l'État avec la création de l'atelier conservatoire de l'art dentellier.

    Article tiré de Orne Magazine octobre 2015


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