• Une vie déracinée

     

    Une vie déracinée

    Plus de quarante ans après avoir été enlevée à sa famille, Marlène Ouledy, de son nom de plume, raconte son histoire des Enfants de la Creuse.  

     

    Avranches. De 1963 à 1982, plus de 1 500 enfants réunionnais ont été déplacés de force afin de venir repeupler certaines régions en Métropole. Parmi eux, Marlène Ouledy, qui témoigne de sa quête d'identité.

     

    Témoignage
    Événement encore trop souvent méconnu du grand public dans les départements français métropolitains, l'affaire des Enfants de la Creuse a pourtant eu un très fort retentissement à la Réunion. Pendant près de 20 ans, sous l'autorité de Michel Debré alors député de l'île, 1 630 enfants ont été déplacés pour être remis en familles d'accueil, essentiellement dans la Creuse et dans le Cantal, avec pour objectif le repeuplement des zones rurales désertées. Bon nombre d'entre eux ont en fait été utilisés comme des travailleurs sans salaires, par des familles parfois peu scrupuleuses.

    Mis en place par le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer (Bumidom) de Michel Debré, ce programme visait tout enfant reconnu pupille de l'État, orphelins pour certains d'entre eux seulement. Craignant probablement qu'une fois devenus adultes, les enfants défavorisés de la Réunion se tourneraient vers la voie de l'autonomisme, le Bumidom a en effet arraché bon nombre de ces enfants à leurs familles et à leur île. Marlène Ouledy, installée à Avranches depuis près de 10 ans, fait partie de ces déracinés.


    Une identité retrouvée

    « J'ai été arrachée des bras de ma demi-sœur quand j'avais 9 mois, puis j'ai été mise en pouponnière avant d'être placée, à quatre ans, dans une famille à Pléneuf-Val-André, en Bretagne », indique-t-elle.

    Marlène Ouledy n'est pas son nom officiel, enregistré par l'état civil. C'est pourtant son nom de naissance, effacé à son arrivée en France, et qu'elle n'a connu qu'au début des années 1990, alors qu'ayant atteint l'âge adulte, elle cherchait à remonter le fil de son histoire.

    Arrivée en Normandie, et après plusieurs années de démarches auprès de la Ddass, Marlène a ainsi pu reprendre contact avec les membres de sa famille restés à la Réunion, et découvrir l'existence de huit frères et sœurs. L'un de ses frères avait été déraciné lui aussi, et placé dans une famille à Caen, à seulement quelques dizaines de kilomètres de chez elle, sans qu'ils n'en aient jamais rien su.

    Des découvertes qui ont contribué à ce que Marlène puisse enfin se forger une idée plus claire de sa propre identité : « J'ai notamment appris qu'un de mes frères avait évité de se faire placer en se cachant sous la table lorsqu'il voyait les gendarmes arriver. Beaucoup d'Enfants de la Creuse ignorent encore aujourd'hui leurs réelles origines. »

    Une souffrance que Marlène essaye tant bien que mal d'atténuer à son échelle : « Il y a quelques années, une amie d'enfance dans le même cas que moi, est venue me trouver pour me demander de l'aider à retrouver ses origines. Après quelques jours de démarches, elle a, à son tour, pu reprendre contact avec sa famille. »

     

    Le livre d'une vie

    Commencé il y a de cela près de 25 ans, Marlène vient d'achever son livre : Une âme vagabonde, chroniques d'une vie déracinée, coécrit avec Henri-Romain Hours, biographe privé. Un roman autobiographique, qui derrière l'emploi de la troisième personne du singulier, révèle les souffrances d'une vie passée à la recherche du « je », entre maltraitance et racisme, mais aussi espoir et rencontres salvatrices : « J'ai un peu écrit ce livre comme une thérapie. Il est important de faire connaître cette histoire, en particulier aux jeunes générations. C'est inadmissible de pouvoir arracher des enfants à leur famille comme cela. Nous avons subi une déportation de masse, emmenés comme du bétail par cargos entiers. Certains ont gardé de graves problèmes psychologiques, des dérives suicidaires... »
    Aujourd'hui auxiliaire de vie, assistante maternelle et écrivain, Marlène, de son nom de plume, semble avoir tourné la page : « Je pense avoir eu un plus de chance que d'autres », mais elle n'oublie pas.

    Article paru dans Ouest-France

     

    Marlène distribue pour l'instant son livre, Une âme vagabonde, chroniques d'une vie déracinée, sur internet grâce aux sites www.bookelis.com et www.lulu.com.

     


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