• Le 21 février 1916 débutait l’offensive de Verdun. Au cœur du champ de bataille, dans un mémorial rénové, sons, images et objets retracent l’un des plus effroyables combats de 1914-1918.

     

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire
     

    En hommage aux combattants 

    Édifié en 1967 à Fleury-devant-Douaumont, un village fantôme situé à dix kilomètres de Verdun (Meuse), le mémorial a été voulu par les anciens combattants de Verdun. Plus vaste et désormais ouvert sur le champ de bataille, le lieu parle à toutes les générations. Et particulièrement à ceux, jeunes et moins jeunes qui n’ont pas eu de contact direct avec les combattants, le dernier Poilu, Lazare Ponticelli étant décédé en 2008. Pour évoquer la mémoire de cette bataille et entretenir le souvenir de tous ceux qui l’ont faite, le choix a été celui d’un espace clair et pédagogique. Effet garanti. Passées les portes, le public se retrouve en immersion totale.

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire

     

    Verdun, une terre sacrée 

    En cet hiver de 1916, la température descend sous les -20°C à Verdun. Puis, le dégel arrive et avec lui, la pluie, serrée et froide, transformant la terre en un gigantesque bourbier. Lourds de leur barda de plus de trente-trois kilos, les soldats pataugent et patinent sur la terre argileuse. Et sur la « voie sacrée », cette route qui relie Bar-le-Duc à Verdun, les camions Berliet chargés du ravitaillement et du matériel militaire s’embourbent. Verdun, c’est d’abord cette terre, lourde et boueuse très astucieusement mise en scène: les visiteurs marchent sur des plaques de verre sous lesquelles ils distinguent, là, des traces de pas, ici, des douilles et des morceaux d’obus. L’immersion dans la mémoire physique de la bataille est immédiate.

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire

     

    La tranchée à hauteur d’hommes 

    « Ici, j’ai peur, Verdun n’est-il pas mangeur d’hommes ? » écrit un soldat français inconnu. Nous voilà soudain à l’intérieur des boyaux tapissés de bois, comme avalés par la terre. Appréhender l’enfer des tranchées par une approche souterraine, c’est le choix audacieux et très efficace de la scénographie. Sombre et étroit, le lieu où la peur de l’étouffement et de l’ensevelissement est toujours présente, laisse deviner ce que percevaient les soldats embusqués: des barbelés, des pieux métalliques, des amas de terre, un ciel d’où jaillissent, à un rythme incessant, avions et bombes.  Le visiteur, lui-aussi en première ligne, se retrouve au cœur de la bataille.

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire

     

    Bois des Caures, 21 février 1916 

    21 février 1916, 7h du matin. Une pluie d’acier s’abat sur Verdun. L’offensive allemande vient de commencer. 10 000 obus seront tirés ce jour-là au Bois des Caures – photo – au premier jour de la bataille, le bois est dévasté. Un feu roulant qui durera dix mois. Verdun, c’est ce bruit, ce son assourdissant de l’obus qui tombe et déchire la terre, faisant trembler le sol et les hommes. Moins meurtrière que celle de la Somme, la bataille symbolise la nouveauté de 1914-1918. Par son bilan humain, désastreux: 700 000 victimes des deux côtés sur un front d’à peine vingt  kilomètres. Par sa nouveauté technique, mâtinée d’archaïsme: tapis de bombes, chars d’assaut et lance-flammes. Il y a aussi les batailles aériennes, les premières de l'histoire à cette échelle, comme le montrent deux superbes coucous. Mais Verdun reste le lieu d’un corps à corps plus classique, celui des hommes qui s’affrontent et montent à l’assaut.

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire

     

    Des objets modestes et touchants 

    Casques cabossés, photographies sépia, lettres calligraphiées, médailles et chapelets, jouets en bois sculptés pour les enfants… ces objets disent le quotidien des combattants. Certains ont été donnés par les familles allemandes  et françaises, à l’instar de la malle rutilante de l’auteur de « La Guerre des boutons », Louis Pergaud. En 1915, à 33 ans, le Franc-comtois rejoint les tranchées de la Meuse. Il va alterner les séjours à l’arrière et au front. Sa correspondance avec sa femme Delphine est touchante : « Tu me gâtes ma gosse, le sac de couchage est une petite merveille »… Le 4 janvier 1916, sa tranchée est bombardée et sa section fauchée net. Pergaud en réchappe mais tombe trois mois plus tard. C’est sa cantine militaire – où l’on perçoit de belles bottines bien cirées – renvoyée à sa veuve qui est présentée. Son corps, lui, n’a jamais été retrouvé.

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire

     

    À Verdun, un paysage lunaire 

    Au troisième étage du mémorial, le paysage s’étend, mélancolique et verdoyant. Le visiteur a une vue panoramique du théâtre des opérations, volontairement laissé en l’état dès la fin de la Première Guerre mondiale. La nature a repris ses droits, même si le sol recrache régulièrement barbelés, grenades, obus et corps. Lors du réaménagement du mémorial, les ouvriers ont d’ailleurs exhumé en mai 2015 les restes de trois poilus, identifiables grâce… à une modeste fiole de Ricqlès. Un alcool de menthe utilisé par l’armée française pour requinquer les troupes ! L’ancienne terre agricole, où la vigne était cultivée, est aujourd’hui creusée par les milliers de trous d’obus. Alentour, une forêt de pins noirs d’Autriche, livrés par les Allemands au titre des réparations de guerre dans les années 1930, d’érables, de chênes  et d’hêtres plantés en 2013 veille. Sur les ruines des neuf villages « morts pour la France », dont Fleury-devant-Douaumont photographié ici, les orchidées poussent et la faune protégée a fait sienne ces creux vallonnés.

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire

     

    L’ossuaire de Douaumont, lieu de mémoire 

    Encore plus loin, l’œil distingue la silhouette élancée de l’ossuaire de Douaumont. Semblable à une épée, la blancheur du monument édifié dans les années 1930 transperce la forêt. La tour-lanterne haute de 46 mètres veille. À l’intérieur, une longue galerie tapissée de plaques aux noms des victimes. Ce monumental reliquaire accueille les restes de 130000 soldats inconnus français et allemands. Face à lui se déploie un champ de 16142 croix blanches. Un symbole de paix où s’étaient retrouvés, main dans la main, le président François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl, le 22 septembre 1984.

     

    Verdun, un mémorial pour la mémoire

     

    En pratique :  

    Mémorial de Verdun, 1, avenue du Corps-Européen, Fleury-devant-Douaumont (55); Tél. : 03 29 88 19 16

    Du 22 février au 31 mars 2016 : de 9h 30 à 17h

    Du 1er avril au 13 novembre 2016 : de 9h 30 à 19h

    Du 14 novembre au 31 décembre 2016 : de 9h 30 à 17h

    À lire : 

    Verdun 1916, Antoine Prost et Gerd Krumeich, Taillandier : La bataille vue des deux côtés par deux grands historiens.

    1916. Verdun la bataille, hors-série Pèlerin, 7,90€. Un hors-série très complet qui fait le tour de la question : réflexions des historiens français et allemands sur la bataille, devenir de la ville après la bataille,  naissance du mythe de Pétain.


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