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    Henriette Caillaux

    A la veille de la Première Guerre mondiale, l'épouse du ministre des Finances abat Gaston Calmette, le directeur du Figaro. Elle sera finalement acquittée.

    « Si ça continue, je vais aller lui casser la gueule ». En cette matinée du 16 mars 1914, le ministre des Finances Joseph Caillaux se plaint à sa femme Henriette de la campagne infamante dont il fait l'objet. Elle est orchestrée par le quotidien Le Figaro. Depuis trois mois, le directeur de ce journal, Gaston Calmette, s'emploie à démolir la carrière du politicien à coups d'éditoriaux assassins... Tout lui semble bon pour discréditer Joseph Caillaux. Ce ministre de gauche est l'un des chefs du parti radical qui ose s'opposer publiquement, aux côtés de Jean Jaurès, à la guerre éminente avec l'Allemagne. À deux reprises, les 13 et 14 mars, Gaston Calmette commet même l'impensable : en une de son journal, il publie des lettres envoyées en 1901 par Joseph Caillaux à une ancienne conquête, dans lesquelles il évoque des dossiers politiques. Si bien que l'éminent ministre, qui signe « Ton Jo » en bas de ces billets doux, est décrédibilisé auprès des parlementaires et humilié en place publique.

    Des billets doux qui font perdre la tête

    Pour son épouse, la coupe est pleine. Sans un mot à son mari, elle achète un pistolet automatique puis revient chez elle pour laisser une note qui se conclut par « Ma patience est finie ». Au siège du Figaro, rue Drouot, elle demande à être reçue par Gaston Calmette. Quand celui-ci l'accueille dans son bureau, l'élégante dame sort son arme et vide son chargeur sur lui. Atteint par quatre balles dans le ventre, Gaston Calmette succombe à ses blessures. Sa meurtrière, elle, est arrêtée et emprisonnée. Henriette Caillaux a-t-elle vraiment agi sous le coup d'une impulsion, portée par son orgueil blessé et par son amour pour son mari ? C'est à voir, car des motifs politiques pourraient également expliquer son geste...

    Qui voulait la peau de Joseph Caillaux ?

    Joseph Caillaux ne manque en effet pas d'ennemis : détesté par les conservateurs pour son projet d'impôts sur le revenu, il est aussi soupçonné de corruption. Les législatives auront lieu en mai 1914, et il est en passe de mener son parti à la victoire. La droite a donc toutes les raisons de vouloir sa peau. Or Gaston Calmette s'apprêtait à publier un document accablant pour le ministre : en 1911, celui-ci aurait fait pression pour que Henri Rochette, un banquier véreux, ne soit pas condamné pour escroquerie. En contrepartie, ce dernier aurait financé son parti. Et si sa femme avait cherché à empêcher la parution de la preuve de cette corruption ? Le procès, qui s'ouvre le 21 juillet 1914, tente de répondre à ces questions. Mais Joseph Caillaux, ami du président de la cour et du garde des Sceaux, use de son influence. Dans un climat tendu, le verdict tombe : Henriette Caillaux est acquittée ! Si la sentence choque l'opinion publique, celle-ci aura bientôt d'autres chats à fouetter. Car le 1er août, la France décrète la mobilisation générale...

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     Couverture du Petit Journal du 22 mars 1914                          Gaston Calmette

    Le Figaro est un très vieux quotidien fondé en 1826

    Le Figaro est le plus ancien quotidien français encore publié. Son nom fait référence à celui du personnage du Mariage de Figaro, de Beaumarchais, dont il reprend la réplique : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. »


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