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Par atao feal le 18 Février 2017 à 16:32
Illustre et exceptionnel personnage, Marie Curie a révolutionné la physique. Mais certains détails de sa vie restent encore trop méconnus, alors même qu’ils font partie intégrante de la grande femme qu’elle était.
Elle a longtemps sans vraies infrastructures
Pierre et Marie Curie ont mené l’essentiel de la recherche et de l’expérimentation du radium et du polonium dans ce que le chimiste Wilhelm Ostwald décrivit comme « un croisement entre une étable et un hangar à pommes de terre ». Il affirma même qu’il crut à « une blague » quand il découvrit les locaux pour la première fois. Lorsque les deux chercheurs présentèrent enfin les résultats de leurs travaux, Marie Curie avait déjà été exposée à d’incroyables quantités d’uranium, extrêmement nocives pour la santé et qui causèrent sa mort, survenue en 1934.Dans un premier temps, elle fut oubliée par le comité du Prix Nobel
En 1903, les membres de l’Académie française des sciences écrivirent une lettre à l’Académie suédoise dans laquelle ils mentionnèrent les découvertes collectives réalisées dans le domaine de la radioactivité par Marie et Pierre Curie, ainsi que par Henri Becquerel, pour le prix Nobel de physique. Pourtant, symbole des attitudes sexistes qui prévalaient alors, aucune reconnaissance aux contributions de Marie Curie ne lui fut accordée, son nom n’étant même pas mentionné.
Heureusement, un membre du comité de nomination, professeur de mathématiques à Stockholm University College, Gösta Mittage-Leffler, écrivit une lettre à Pierre Curie, l’avertissant de l’omission. L’époux de Marie s’adressa alors au comité, insistant pour que lui et sa femme soient « considérés ensemble… par rapport à nos recherches sur les corps radioactifs ». Le libellé de la nomination officielle fut finalement modifié et Marie Curie devint la première femme de l’histoire à recevoir le prix Nobel.
Elle refusa de monnayer ses découvertes
Pierre et Marie Curie
Après avoir découvert le radium en 1898, Marie et Pierre s’opposent à la possibilité de déposer un brevet pour cela et à en tirer profit, et ce, malgré le fait qu’ils avaient à peine assez d’argent pour se procurer l’uranium dont ils ont besoin afin d’en extraire l’élément. Au contraire, les Curie partagèrent généreusement le produit isolé grâce aux difficiles travaux de Marie avec d’autres chercheurs et échangèrent les secrets du processus nécessaire à sa production avec les industriels intéressés.
Au cours du boum du radium qui suivit, les usines dédiées à la production de l’élément pullulèrent aux États-Unis. Bien que pas encore totalement compris, le matériau vert vif captiva les consommateurs, et se retrouva dans tout et n’importe quoi, du dentifrice aux produits destinés à améliorer les performances sexuelles. Dans les années 1920, le prix d’un seul gramme de l’élément atteignit finalement 100 000 $ et Marie Curie ne put se permettre d’en acheter suffisamment pour poursuivre ses recherches. Néanmoins, elle n’eut aucun regret et déclara même que « le radium est un élément chimique, il appartient au peuple ».
Einstein l’encouragea durant les pires années de sa vie
Albert Einstein et Marie Curie se rencontrèrent pour la première fois en 1911, à Bruxelles, à la prestigieuse conférence Solvay, un événement qui réunit les plus grands scientifiques au monde du domaine de la physique. Parmi les 24 membres de cette édition, Marie Curie s’avéra être la seule femme. Einstein fut si impressionné par elle qu’il vint à sa défense plus tard cette année-là, quand elle fut embourbée dans une controverse et dans la frénésie médiatique qui l’entourait.
En ce temps, le sexisme, la xénophobie et l’antisémitisme atteignirent des sommets en France et la nomination de Curie à l’Académie française des sciences fut même rejetée. Beaucoup soupçonnèrent d’ailleurs que sa condition de femme et ses origines étrangères furent la cause de cet échec.
Conférence de Solvay de 1927. Au premier rang, au centre, Einstein. Marie Curie est deux places à gauche
Plutôt que de reconnaître ses accomplissements, la chercheuse fut raillée et même si elle venait de remporter un deuxième prix Nobel, le comité de nomination chercha à la décourager de se rendre à Stockholm pour l’accepter, afin d’éviter un scandale. Elle sombra alors dans une profonde dépression et se retira de la vie publique.
À cette époque, elle reçut une lettre d’Albert Einstein dans laquelle il lui décrivit et lui offrit ses conseils sur la façon de gérer les événements qu’elle traversait : « Je me considère chanceux d’avoir fait votre connaissance personnelle », lui dit-il. La scientifique reprit rapidement le dessus et se rendit courageusement à Stockholm pour accepter son second prix Nobel.
Elle aida personnellement les soldats durant la première guerre mondiale
Marie Curie
Lorsque la Première Guerre mondiale éclata en 1914, Marie Curie fut contrainte de mettre ses recherches et l’ouverture de son nouvel institut du radium en attente à cause de la menace d’une éventuelle occupation allemande de Paris. Au cours des quatre années suivantes, elle contribua à équiper et à faire fonctionner plus de vingt ambulances (connues sous le nom de « petites curies ») et des centaines d’hôpitaux de campagne avec des machines à rayons X primitives, de manière à aider les chirurgiens à localiser l’emplacement et à enlever les éclats d’obus et balles des corps des soldats blessés. En plus de former des personnes destinées à utiliser ces équipements, elle conduisit elle-même une ambulance, malgré le danger.
À la fin de la guerre, il fut estimé que les équipements conçus par Curie avaient certainement sauvé la vie d’un million de soldats. Pourtant, quand plus tard le gouvernement français chercha à lui décerner la Légion d’honneur, elle la refusa. Toujours par esprit d’altruisme, la chercheuse chercha aussi, au début du conflit, à faire don de ses médailles – en or – du prix Nobel à la Banque de France, qui les refusa.
Elle n’avait aucune idée des dangers de la radioactivité
Marie Curie dans son laboratoire à l’Institut du radium
Aujourd’hui, 117 ans après la découverte du radium par les Curie, chacun connaît les dangers de l’exposition du corps humain aux éléments radioactifs. Pourtant, des premières années de l’étude de la radioactivité jusqu’au milieu des années 1940, on ne sut peu de choses quant à ses effets sur la santé à long terme.
Pierre Curie aimait à conserver un échantillon dans sa poche pour pouvoir en montrer les propriétés de brillance et de chaleur aux curieux. Un jour, même, il attacha un bout de l’élément à une étoffe liée à son bras nu pendant dix heures, dans le but d’étudier la curieuse façon dont cela brûla son bras de manière indolore. Sa femme, quant à elle, en conservait un échantillon à côté de son lit, comme une veilleuse. De la même manière, les Curie passaient presque toutes leurs journées dans leur laboratoire improvisé, entourés de matières radioactives. Après avoir régulièrement manipulé des échantillons de radium, les deux présentaient un tremblement des mains, ainsi que les doigts couverts de craquelures et de bosses.
Marie Curie
Bien que la vie de Pierre Curie fût tragiquement écourtée en 1906, il souffrait, au moment de sa mort, d’une douleur et une fatigue constante. Son épouse, elle aussi, se plaignait de symptômes similaires jusqu’à ce qu’elle succombe à une leucémie à un stade avancé en 1934. À aucun moment, ils ne considérèrent la possibilité que leur découverte fût la cause de leur douleur. En fait, toutes les notes de laboratoire du couple, et beaucoup de leurs effets personnels sont encore aujourd’hui radioactifs, à tel point qu’ils ne peuvent pas être manipulés en toute sécurité.
Ses enfants ont suivi les traces de leurs parents
Pierre et Marie Curie avec leur fille Irène
Dans le cas de la fille aînée de Pierre et Marie Curie, Irène, on peut sans risque affirmer que la pomme ne tombe jamais loin du pommier. Dans le sillage de ses parents, elle s’inscrit à la faculté des sciences de Paris. Puis lorsque le début de la Première Guerre mondiale interrompit ses études, elle rejoignit sa mère et travailla comme infirmière radiographe, exploitant les machines à rayons X pour faciliter le traitement des soldats blessés sur le champ de bataille.
En 1925, Irène reçut son doctorat et rejoignit sa mère dans le domaine de l’étude de la radioactivité. Dix ans plus tard, elle et son mari, Frédéric Joliot, reçurent conjointement le prix Nobel de chimie pour leurs percées dans la synthèse de nouveaux éléments radioactifs. Marie Curie, elle, ne vécut pas assez longtemps pour voir sa fille remporter ce prix.
Marie Curie et sa fille Irène
Irène et Frédéric Joliot avaient deux enfants, nommés Hélène et Pierre, en l’honneur de leurs grands-parents incroyables dont la mort fut prématurée. À leur tour, les petits-enfants de Marie se distinguèrent tous les deux dans les sciences. Helene devint physicienne nucléaire et, à l’âge de 88 ans, dispose d’un siège au conseil consultatif du gouvernement français. Pierre, quant à lui, est devenu un brillant biologiste. Aujourd’hui, à l’âge de 83 ans, il est chercheur au Centre national français de la recherche scientifique et membre de l’Académie française des sciences.
Ces anecdotes permettent de cerner davantage Marie Curie, femme généreuse, intelligente et courageuse dont la contribution à la science, à l’histoire et plus largement, à l’humanité, restera dans les mémoires.
Article paru dans Daily Geek Show
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