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Par atao feal le 6 Octobre 2015 à 11:58
En 1870, l'écrivain regagne la France après dix-neuf ans d'exil. À 68 ans, c'est un senior en pleine forme. Retour sur ses quinze dernières années.
Deux heures du matin sonnent à la pendule lorsque Victor Hugo se glisse dans son lit. Il est tard, mais l’auteur des "Misérables" n’a pas sommeil. Impossible de quitter cette folle journée du 5 septembre 1870. Après 19 ans d’exil, il vient enfin de rentrer en France.
La veille, dès l’annonce de la déchéance de Napoléon III et la proclamation de la troisième République, il a fait ses valises. Posté à Bruxelles où il attendait cet inéluctable dénouement, il ne lui a fallu que quelques heures pour rallier son cher Paris. Son absence aura duré tout le Second Empire ! Proscrit fin 1851 par celui qu’il baptisera "Napoléon le Petit", Victor Hugo arrive gare du Nord sous les acclamations d’une foule en liesse.
Le "monstre" est de retour. Le chef de file des romantiques, ardent défenseur des humbles et pourfendeur d’injustices revient en héros. Aux admirateurs qui chantent la Marseillaise en son honneur, il déclare: "Citoyens, j’avais dit: le jour où la république rentrera, je rentrerai. Me voici." Le voilà en effet, plus inspiré et puissant que jamais. Il a 68 ans, l’âme d’un jeune homme et des œuvres plein la tête.
Veuf depuis deux ans, Victor Hugo vit désormais ouvertement avec Juliette Drouet, sa maîtresse depuis 1833. Cette ancienne comédienne a renoncé à tout pour l’amour de l’ogre sentimental qui la trompe copieusement. Soutien indéfectible, elle l’a suivi en exil à Jersey puis Guernesey. Le retour à Paris ne l’enchante guère : le tourbillon littéraire et politique va s’accélérer, mais plus que tout elle redoute celles qu’elle appelle "les cocottes à plumes et à bec" qui tournent les sens de son Victor.
Elle n’a pas tort. Durant les 13 années suivantes, Hugo aura encore trois liaisons sérieuses, dont la dernière à 77 ans… mais sans jamais envisager de quitter Juliette. Cette vitalité à une époque où l’espérance de vie culmine à 43 ans, participe de l’aura d’un homme en tout point extraordinaire.
• Victor Hugo, longévité et vocations
Sa longévité a cependant un prix bien douloureux pour ce père aimant : il va survivre à quatre de ses cinq enfants. Il a déjà perdu son premier-né en bas âge et surtout sa Léopoldine adorée, dont la noyage en 1843, à 19 ans, lui avait inspiré les vers vibrants de "Demain, dès l’aube…"
De retour en France, le drame frappe à nouveau : ses deux fils Charles et François-Victor meurent coup sur coup en 1871 et 1873. Adèle, la seule survivante de l’hécatombe, ne consolera pas son père: elle a sombré dans la folie et est internée depuis 1872. Hugo venait de publier avec succès son dernier roman, "Quatre vingt-treize", il enchaîne alors avec un texte court et sombre au titre sobrement évocateur: "Mes fils".
Dans ses carnets intimes, la mort de François-Victor apparaît à Hugo comme "une fracture et une fracture suprême même", il ne se sent plus bon "qu’à mourir". Le colosse est abattu… mais pas vaincu. Deux passions vont le ramener à la vie.La politique bien sûr, qui l’occupe toujours énormément. Cet incroyable visionnaire qui plaidait déjà pour des "Etats-Unis d’Europe" en 1849, se démène plus que jamais contre la peine de mort, pour la séparation de l’église et de l’état, ou encore pour l’école obligatoire et gratuite… Elu député, il démissionne, se représente, est battu et devient finalement sénateur, en 1876.
Mais une autre passion va illuminer la fin de sa vie : devenu le tuteur des enfants de son défunt Charles, il se découvre une vocation de grand-père. Auprès des petits Georges et Jeanne, et de leur mère, Hugo renaît. Et, cette fois encore son œuvre reflète les mouvements de son cœur.
En 1877, il publie "L'Art d'être grand-père", un recueil de poèmes d’une infinie tendresse, où il évoque ce nouveau bonheur d’aimer : "Un grand-père échappé passant toutes les bornes, c'est moi. Triste, infini dans la paternité, je ne suis rien qu'un bon vieux sourire entêté. Ces chers petits ! Je suis grand-père sans mesure ; je suis l'ancêtre aimant ces nains que l'aube azure."
• Victor Hugo, une fin de vie paisible
Quatre ans après la mort de Charles, sa veuve se remarie, mais Hugo insiste pour rester le tuteur des enfants. Et lorsqu’il déménage, il installe la famille en face de chez lui ! A partir de 1880, entre la fidèle Juliette et ses petits-enfants, sa vie s’apaise. Il écrit moins, mais le rythme de ses publications reste pourtant intense, tant il a d’inédits dans ses tiroirs ! "Hernani" qui avait déchaîné les passions en 1830, en bouleversant les règles du théâtre classique, est repris à la Comédie-Française. Le public adule plus que jamais le poète-citoyen et une nouvelle génération d’artistes l’adoube. Victor Hugo va camper sur son piédestal quelques années encore.
En 1883, Juliette Drouet meurt après 50 ans d’une passion tumultueuse. Effondré, Victor Hugo n’aura pas le courage d’aller à l’enterrement. Il scrute désormais sa propre mort et écrit ses dernières volontés : "Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l'oraison de toutes les églises ; je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu."
À 81 ans, cet ultime perte le fait finalement entrer dans la vieillesse. Il n’y restera que deux ans. Le 19 mai 1885, il note dans son carnet: "Aimer, c’est agir." Le 22 mai, son cœur lâche. Il n’aura pas l’enterrement du pauvre… Ses funérailles sont décrétée nationales. Le 1er juin 1885, sa dépouille rejoint le Panthéon, portée par une marée humaine de plus d’un million d’orphelins.
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