• Caroline Moorehead raconte le destin de 230 Françaises envoyées à Auschwitz en janvier 1943. Un témoignage bouleversant.

    Personne n'oubliera jamais la force des images de ces trains revenant à vide d'Auschwitz, ou d'un autre enfer dans « Shoah », l'extraordinaire film de Claude Lanzmann. C'est à cette représentation des crimes du nazisme que l'on pense immédiatement quand on prend en main le livre de Caroline Moorehead. C'est aussi à ces femmes, dont le destin ne nous est plus inconnu, que l'on songe. Ces femmes traitées comme du bétail avant que certaines soient sauvagement assassinées.

    Caroline Moorehead s'est intéressée au sort de 230 Françaises emmenées, un matin de janvier 1943, par la Gestapo dans le pire des camps de la mort. C'est ce qu'on appellera plus tard « le convoi des 31000 ». L'auteure n'est pas romancière mais journaliste et travaille depuis des années sur l'engagement des femmes dans la Résistance. Elle dirige l'institut britannique des droits de l'homme. Née à Londres en 1944, sa date de naissance l'a sans doute prédestinée à se pencher sur celles et ceux qui ont brandi l'étendard de leur bravoure contre l'Occupation. De ces 230 femmes torturées, déportées, la majeure partie étaient des résistantes. La plus jeune n'avait que 17 ans, la plus âgée était de cinquante ans son aînée.

    Le long travail de la journaliste anglaise remonte le destin d'une grande partie d'entre elles. Comment, par le biais d'un père, d'un mari ou de leur propre chef, elles sont entrées dans la Résistance. Par engagement politique ou par esprit d'indépendance et de rébellion. Ou encore par instinct patriotique. Certaines, bien avant la guerre, avaient déjà rejoint le PCF. Comme Cécile qui, à tout juste 16 ans, s'engage pour « échapper à la sévérité de sa mère et l'oisiveté de son père ». Mais aussi parce que « le parti voulait donner du pain à tous ».

    Parmi ces femmes qui furent conduites ensemble vers les camps, la plus célèbre reste Charlotte Delbo, dont les écrits ont servi de base à Caroline Moorehead. Celle qui fut un temps l'assistante de Louis Jouvet, réfugiée avec lui au Brésil, préféra rejoindre la France plutôt qu'apprendre la mort de ses camarades sans agir. Dans ce triste convoi, elle avait écrit l'ébauche d'une pièce de théâtre, consciente de la nécessité d'un témoignage pour l'avenir. Caroline Moorehead a pu rencontrer des descendants de ces combattantes et quatre survivantes, qui lui ont raconté l'amitié et la solidarité qui s'étaient nouées en elles. Mais aussi la force de celles qui étaient prêtes à tout sacrifier, y compris leur vie, pour défendre la cause de leur pays. Elles ont en commun d'être tombées par le zèle de Lucien Rottée, directeur des Renseignements généraux, qui, avec ses hommes, avait réussi à démanteler un réseau de la Résistance. Si la collaboration de la police française n'est plus à démontrer, le courage des femmes ne sera jamais suffisamment mis en avant. Et c'est une Anglaise qui le souligne, superbement dans un récit empli d'émotion.

    « Un train en hiver », de Caroline Moorehead, éditions Le Cherche-Midi.


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