• « Un tiens, deux tu l'auras »

    Où l’on voit que chacun a son intérêt bien compris.

     

    Gênes, Italie, en 1204. Matteo, un marchand de tissus, termine ses préparatifs : il fait vérifier que les chevaux sont bien harnachés, qu'il ne manque rien dans ses chariots. Puis, il entre quelques instants dans une petite arrière-boutique, pour se livrer à un étrange manège…

     

    Michael Wolgemut et Wilhelm Pleydenwurff, Gênes extrait de La Chronique de Nuremberg écrit par Hartmann Schedel, 1493, gravure sur bois, Bibliothèque nationale de France, Paris Voir en grand

     

    C'est que Matteo part pour un long voyage : il va à la foire de Provins, en Champagne.
    À l'époque, c'est LE marché incontournable pour les commerçants d'Europe ! Et pour y faire des affaires, il a besoin d'avoir de l'argent. Mais il a tout dépensé dans ses préparatifs. Comment faire ?

     

    Scène de foire dans Thomas III de Saluces, Le Chevalier errant, XVe siècle, enluminure, 3 x 2 cm, Bibliothèque nationale de France, Paris Voir en grand

     

    Dans la boutique, Matteo rencontre en fait un autre marchand qui, lui, a des réserves. Alors, ils font un « contrat de change » : le marchand donne 100 deniers génois à Matteo. Et sur le contrat, il indique que Matteo pourra, sur place à Provins, changer ses deniers contre 90 deniers provinois. À Provins, Matteo change donc ses deniers génois pour faire ses emplettes. Avec ses gains, de retour en Italie, il rechangera son argent auprès du marchand.

    Illustration Économitips Voir en grand

     

    En fait le marchand a avancé à Matteo les deniers dont il a besoin pour son commerce. Il lui a fait un prêt.

    Mais si Matteo ne rembourse pas ? Il peut faire de mauvaises affaires, ou se faire voler en chemin… Le prêteur prend un risque, qu'il compense en jouant sur les différences de valeur entre deniers génois et provinois, pour récupérer un peu plus que la somme avancée. Il a donc fait à Matteo un "prêt à intérêt" (la rémunération de son risque), mais qui ne dit pas son nom…

     

    En haut : Deniers de Provins, XII-XIIIème siècle, argent
    En bas : Deniers génois, XII-XIIIème siècle, argent, photos : DR

     

    En effet, à l'époque le prêt à intérêt est interdit par l'Église catholique, qui considère que c'est du vol. Alors avec ce tour de passe-passe, nos deux génois profitent des différences de valeur ( « le taux de change ») entre les deniers génois et provinois pour cacher l'intérêt dans une banale opération de change. Finalement, Matteo est content : il a eu son crédit… il peut aller faire la foire !

     

    Quentin Matsys, Le Prêteur et sa femme, 1514, huile sur bois, 71 × 68 cm, Musée du Louvre, Paris
    Voir en grand

     

    Pour en savoir plus :

    L'astuce des marchands génois a tellement bien marché que beaucoup n'ont plus fait que cela, et sont devenus banquiers !

    Aujourd'hui, le prêt à intérêt n'est plus interdit. Ce sont les banques qui prêtent aux gens et aux entreprises. Et ces emprunts ne servent plus seulement pour aller commercer à l'étranger : au Crédit Mutuel, 97% des prêts sont décidés au niveau des caisses locales, et non au siège de la banque.


    Objectif : que les prêts soient vraiment utiles aux commerçants du coin !

    Lu dans Économitips

     


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