• The International Tracing Service fournit aussi des renseignements sur le STO et les personnes déplacées.


    Des millions de documents et objets des camps de concentration sont stockés au service de recherche de Bad Arolsen. Pour commencer, 50 000 sont maintenant en ligne ce qui facilitera les recherches des survivants et parents.


    https://digitalcollections.its-arolsen.org/ 


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    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Sovereign Hill est situé à Ballarat (au loin, derrière la mine), la troisième ville de l’État du Victoria qui tient son nom d’un mot aborigène signifiant « campement ». (Photo : Melinda Trochu)  

     

    À Ballarat, à une heure et demie de Melbourne en train, le temps s’est arrêté dans les années 1850. Sovereign Hill, un musée en plein air, est la troisième attraction de l’État de Victoria, en Australie. Chaque année, il permet à 760000 touristes de s'imprégner de la vie des colons européens. Au programme : la vie des mineurs, des métiers anciens et évidemment l’histoire de l’or.

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

     

    Pour se mettre dans la peau des colons des années 1850 rien de tel qu’un passage chez la photographe. Sam, 22 ans, fait partie des 300 employés de Sovereign Hill. Depuis trois ans, elle habille les visiteurs et leur tire le portrait (numérique tout de même) pour des photos-souvenir à encadrer. « Les hommes ont le choix entre des costumes de gentleman, mineur, pasteur ou soldat de cavalerie. Pour les femmes, c’est lady, gipsy, fille de joie ou tenue de soirée », détaille-t-elle. Une représentation plutôt fidèle des habitants de l’époque.

    Un peu plus loin dans la rue principale, Ray, le forgeron, explique la fonte de l’or et ses propriétés chimiques. Dix fois par jour, il fond le même lingot d’or de trois kilos (d’une valeur de 98000 €) devant les yeux ébahis des petits et des grands. « Mélangé à de l’argent et du cuivre, il faut le nettoyer pour en faire de l’or pur », explique-t-il.

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Tim, forgeron, a appris son métier sur le tas, au musée de Sovereign Hill, et le pratique maintenant depuis treize ans. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Immersion pour les écoliers 

    Depuis quarante-cinq ans, le concept de Sovereign Hill donne à voir, sentir, toucher le quotidien disparu de la ruée vers l’or de 1852 à 1859. Le village a été reconstitué autour de quelques bâtiments d’origine, dont une église protestante érigée en 1892.

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    L’église protestante de Greenville érigée en 1892 accueille encore aujourd’hui des sermons pour les visiteurs. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Garry Burns, directeur marketing, revient d’un voyage promotionnel en Inde, au Royaume-Uni et en France. « Nous avons 30 % de visiteurs internationaux, à majorité asiatiques » Avec vingt guides parlant mandarin, la Chine est la première cible du musée. Garry Burns poursuit : « On continue à chercher de l’or dans notre région, on a d’ailleurs entendu une explosion la semaine dernière. C’est commun pour les habitants de Ballarat d’aller le week-end dans le bush avec des détecteurs de métaux »

    La ruée vers l’or étant au programme des écoliers australiens, le musée propose une immersion de deux jours (les enfants passent la nuit dans des baraques aménagées) aux écoles primaires de la région. « Il y a deux ans d’attente pour cette activité et nous accueillons 100000 écoliers par an », précise Garry Burns. Sur leurs bancs en bois et dans leurs habits d’antan, les élèves écoutent religieusement leur professeur du jour. Geoff McArthur est un ancien instituteur reconverti en professeur-acteur. Il enseigne aux enfants la politesse car « c’était très strict à l’époque ». Hollie Frew, l’enseignante des enfants, reconnaît dans un sourire ne jamais les avoir vus aussi tranquilles.

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Geoff McArthur est directeur du programme pédagogique de Sovereign Hill. Ancien enseignant d’école primaire, il exerce avec fermeté mais assure que « les enfants savent que c’est un jeu de rôle ». (Photo : Melinda Trochu)

     

    Heureusement, les enfants n’auront pas à expérimenter la médecine de l’époque. Au cabinet du docteur, la réalité fait un peu froid dans le dos. Miss Trudi raconte : « On pense que le Dr Wakefield, un Anglais, a lu un livre de médecine pendant la traversée vers l’Australie et s’est improvisé docteur à Ballarat. Il était médecin mais également dentiste et vétérinaire. Il pouvait soigner les hommes et les chevaux ! Avant les années 1860, il n’y avait pas besoin de diplômes. Il fallait juste, à cette époque, des outils tranchants et un peu de savoir ! »

     

    Des mineurs piégés 

    La dure vie des mineurs et les accidents inhérents au métier sont racontés vingt mètres sous terre après une descente en chariot d’une minute dans le noir total. Peter Kennedy, un ex-soldat francophile dont la famille (d’origine irlandaise) vit à Ballarat depuis six générations raconte un accident de 1882 arrivé non loin de là, à Creswick.

    « Vingt-sept mineurs ont été piégés sous l’eau après la rupture d’une ancienne mine inondée. Après trois nuits et trois jours de calvaire, cinq hommes seulement ont survécu » Les noms des décédés apparaissent sur les parois de la mine. Peter s’agite : « Là ! Vous voyez, le nom Carl Serrurier. On pense qu’il était peut-être Français » Tous les autres mineurs étaient des Irlandais, des Écossais, des Anglais. Quatorze mille personnes ont assisté aux funérailles lors de ce drame régional.

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Peter, du « Ballarat Times », aime à raconter la révolte Eureka de 1854 quand les chercheurs d’or se sont rebellés contre une administration injuste à leurs yeux. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Sur son épaule droite, Peter Kennedy découvre un tatouage, un drapeau bleu et blanc. Il retrace : « C’est le drapeau de notre petite révolution française à nous. Le drapeau Eureka. Mes ancêtres ont participé à cette rébellion » En 1854, des mineurs dénoncent les permis obligatoires et les taxes injustes qu’ils subissent. Les affrontements avec l’armée font 27 morts. Peter, du journal « Ballarat Times » de Sovereign Hill précise : « Le leader irlandais de la révolte, Peter Lalor, avait été emprisonné trois mois. Mais ensuite, il s’est lancé en politique » Avec un bras en moins, amputé lors de la révolte.

    À Sovereign Hill, histoire et jeu cohabitent. L’activité préférée des visiteurs reste l’orpaillage. Les mains plongées dans la rivière, ils cherchent la couleur jaune. Casquette verte sur la tête, Ashton, onze ans, s’écrit : « J’ai trouvé de l’or ! » et montre sa petite fiole d’eau dorée avec fierté. « Chaque matin, nous déposons des paillettes d’or dans la rivière. Cela représente une valeur annuelle de 200000 dollars australiens (soit 130000 €) », assure Garry Burns.

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Chaque année, en fonction de la valeur de l’or, Garry Burns achète et fait déposer dans la rivière des paillettes d’or d’une valeur de 150000 à 200 000 dollars australiens. Les touristes peuvent passer des heures en quête du précieux minerai. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Une pépite de 69 kilos 

    À Ballarat, les visiteurs peuvent repartir avec de nombreux souvenirs, notamment un jeu de cartes en or à 300 dollars australiens. Et si un Noël froid leur manque, ils peuvent venir le célébrer à Sovereign Hill en plein mois de juillet ! Un temps fort pour le musée (10 % des visites annuelles en quinze jours) qui va jusqu’à utiliser de la neige artificielle.

    Mais à Sovereign Hill, peu de chances de trouver autre chose que des minuscules quantités d’or pour les touristes. C’est au XIXème siècle qu’il aurait fallu s’y rendre. En 1858, la deuxième plus grosse pépite du monde jamais découverte a été trouvée à Ballarat. Elle pesait 69 kilos !

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Cette employée de Sovereign Hill raconte qu’à l’époque, les produits européens n’arrivaient que deux fois par mois par bateau. Toute la ville se ruait alors pour acheter les derniers produits et vêtements à la mode en Europe. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    De nombreux métiers sont représentés à Sovereign Hill, notamment celui de fondeur qui met en lumière l’artisanat d’objets symétriques. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Une cinquantaine de chevaux, dont des Percherons, vivent et font partie du décor de Sovereign Hill. Ils sont beaucoup mieux traités qu’à l’époque de la ruée vers l’or ! (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Dans les années 1850, beaucoup d’hommes et de femmes mourraient de la dysenterie, du choléra et du typhus. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    À l’époque de la ruée vers l’or, les migrants européens aspiraient à retrouver leurs produits de luxe. Les bonbons étaient alors et restent aujourd’hui une denrée très appréciée. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Chaque année, 100000 écoliers australiens viennent expérimenter l’école des années 1850. Au programme : apprentissage de la politesse mais également découverte des jouets d’antan. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Garry Burns explique en riant que beaucoup d’employés viennent travailler à Sovereign Hill déjà habillés comme en 1850. On peut donc les apercevoir dans la ville de Ballarat costumés au volant de leurs voitures contemporaines. (Photo : Melinda Trochu)  

     

    Plongez dans la ruée vers l’or du XIXème siècle !

    Le musée en plein air emploie plus de 300 salariés. Tous ont en commun d’exercer en costume d’époque. Ici, dans l’un des restaurants du musée. (Photo : Melinda Trochu)


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  • Vidéo d’une qualité exceptionnelle.  

    On est surpris par le monde dans les rues et aux terrasses des cafés, par le nombre de voitures et, déjà la noirceur des monuments et bâtiments ! 

    Pas de son, c’est normal (nous sommes en 1920). Ne manquez pas ce document exceptionnel ! 

    https://www.youtube.com/embed/blw8zJt-Sc0 

    En regardant ces gens aux terrasses des cafés, en tâchant de lire, sur les visages, les sentiments et les pensées, toi, oh mon frère, tu te dis avec un pincement au cœur que la vie file si vite... que les ombres se dissipent sans laisser la moindre de trace... 

    Et il te revient alors, peut-être, en mémoire, cette épitaphe latine que l'on trouvait autrefois dans les cimetières : « HODIE MIHI, CRAS TIBI ! » (Aujourd'hui, c'est mon tour [d'être là], demain ce sera le tien).

                    


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  • « Hier encore, nos parents étaient des esclaves »

    Michel Rogers, 76 ans, Guadeloupéen

     

     Ce généalogiste a entrepris, il y a douze ans, de répertorier les racines de tous ses concitoyens descendants d’esclaves. Avec son crayon, sa patience, il a reconstitué leurs arbres généalogiques. Et, du même coup, fait resurgir des souffrances refoulées et des tabous. Au moment où s’ouvre le Mémorial ACTe à Pointe-à-Pitre, cet homme courageux ne mâche pas ses mots. Pour lui, « le peuple guadeloupéen est amnésique ». Il est temps de réveiller les mémoires et d’avancer.

    Derrière son bureau envahi de papier, de règles et de feutres. Comme un moine copiste, il construit minutieusement et patiemment ses arbres généalogiques pour arriver aux racines de son peuple : les esclaves africains. Ancien ingénieur du BTP, il se souvient de ses premières années de camaraderie avec « les petits blancs » de Guadeloupe, puis de sa première confrontation au racisme, à 15 ans, dans le métro parisien. « Il y avait un enfant turbulent et sa mère a dit soudain : « Si tu n’arrêtes pas je vais te faire manger par le nègre ! » Alors mon père a répondu : « Madame, je ne mange pas de la charogne. » J’ai pris conscience de ma couleur et mon père est monté d’un cran dans mon estime », se souvient-il. Du haut de ses 2 mètres, Michel Rogers refuse toute étiquette politique, il s’élève au rang des  « lucides ». Son franc-parler et son langage imagé ont souvent surpris, parfois choqué, mais cet homme un brin machiste est d’abord généreux. Au même titre que les femmes guadeloupéennes dans les familles, il est un  « poto mitan », le pilier central qui soutient la tente, ou plutôt le tronc de l’arbre.

     

    « Hier encore, nos parents étaient des esclaves »

     

    Le Mémorial ACTe, qui a ouvert ses portes au public le 7 juillet à Pointe-à-Pitre, donne la possibilité aux Guadeloupéens de retrouver leurs ancêtres via l’espace Généalogique qui met à disposition le fruit de vos années de recherches. Que ressentez-vous ? 

    Je n’ai pas l’habitude de le dire, mais je suis ému et fière de la Guadeloupe. Nous avons toujours été des suiveurs, des « suceurs de roue », comme on dit dans le cyclisme. Pour la première fois, on a initié quelque chose, et même Obama voudrait faire pareil aux États-Unis ! Je suis aussi heureux de donner aux Guadeloupéens la possibilité de savoir d’où ils viennent. Ces recherches ont changé ma vie, j’aimerais qu’elles servent à tous.

     

    Pourquoi vous êtes-vous attelé à cette tâche immense ? 

    Quand je suis revenu en Guadeloupe en 1985, après plusieurs années passées à voyager, des amis Blancs-pays m’ont invité à une fête sur la plage. A un moment, ils ont fait sonner le cloche et se sont installés autour d’une table pour mettre à jour leur arbre généalogique. Et c’est là que j’ai découvert qu’ils pouvaient remonter jusqu’en 1700 ! Moi, aussi loin que je me souvienne, je ne connaissais que le surnom de mon grand-père : papa Victor. Alors je suis allé aux archives et j’ai trouvé son prénom, Cornelius, puis le nom de son père et ainsi de suite. J’ai fini par savoir que nous, les Rogers, on était Blancs, originaires d’une ville dans le sud de l’Angleterre. Du jour au lendemain, je n’étais plus un chien sans collier, j’avais des attaches. Je me suis retrouvé un autre homme. J’ai rassemblé les Rogers de Guadeloupe, on était plus de 300 sur une plage. Il y en avait de toutes les couleurs. Ils étaient émus en découvrant leurs origines. Ensuite, j’ai cherché la famille de ma femme, celle des proches, et puis je me suis dit que j’allais me taper toute la Guadeloupe. Et là, je suis passé pour un original.

     

    Comment travaillez-vous ? 

    Depuis douze ans, je vais tous les jours de la semaine aux archives des communes de 8 heures à midi et je relève les actes dans des cahiers. L’après-midi, je prends ma règle, mon crayon et je construis des arbres sur les feuilles A4. Je travaille dans l’ombre, avec une logique de maçon. Parfois je ne parle à personne pendant des jours. J’ai recensé 8000 patronymes, ce qui correspond à la quasi-totalité de la Guadeloupe. Pour certaines familles, je suis remonté au XVIIIème siècle et retrouvé le pays d’origine de l’ancêtre africain. En général, je commence mes recherches en 1848, à l’abolition de l’esclavage, quand les premiers nom de famille ont été donnés. J’ai remarqué de les patronymes choisis dépendaient des goûts de l’officier d’état civil. Par exemple le nom du joueur de football Thuram vient de son ancêtre esclave, prénommé Mathurin. A Sainte-Rose, ce sont des noms de plantes et d’arbres fruitiers. D’autres franchement insultants ont été donné comme Ducon, Belbez, Bocu, Pasbeau… Cela dit, au début de mes recherches, certains me disaient : « Laisse les morts. » J’ai été menacé au tribunal tellement ces recherches dérangent. 

     

    Dans quelle mesure la mémoire esclave est-elle un tabou ? 

    Nous sommes un peuple malade, traumatisé. On a perdu notre dignité dans cette histoire. C’est ce qui nous a rendu amnésiques ! La France a connu les nazis pendant quatre ans. Si vous interrogez les vieux, ils ne se rappellent de rien. Beaucoup de Français ont été collabos, alors on préfère ne pas en parler. C’est le phénomène du « cul sale ». Dans la France profonde, on dit « Quand on a le cul sale, on ferme sa gueule. » Ils ont fait un black-out sur quatre années seulement. Nous, on a connu trois cent ans d’esclavage… Vous savez, quelqu’un qui baisse sa culotte et finit par se sentir bien n’est pas digne. Un être humain qui se clochardise vite. Si vous ne changez plus la couche de votre bébé, il va s’habituer. Il sera même malheureux le jour où vous le mettez dans une baignoire. Votre crasse devient votre armure, votre protection. 

     

    Des esclaves se sont pourtant rebellés, ont essayé de fuir. Pourquoi ne pas mettre en valeur ces insoumis ? 

    Le système esclavagiste était une abomination. Le « nègre »qui voulait fuir n’avait aucune chance, comme le stipulait le Code noir. Les esclaves étaient considérés comme des « meubles », des biens immobiliers. On classait les gens suivant des termes d’animaux. Je vois inscrit dans les registres, à côté des noms, les qualificatifs de « mulâtre » ou « mulet », le petit d’un cheval et d’un âne –soit un enfant né d’un(e) esclave et de son maître ou sa maîtresse-, de « chabin », le croisement entre une brebis et un bouc – soit un enfant né d’une mulâtre et d’un nègre. Je vois aussi qu’il y a des « tiercerons », des « quarterons », des sextavons », des « octavons » qui ont entre eux un tiers ou un huitième de sang noir. Tout était pensé, organisé pour que l’esclave ne se révolte pas. On évitait même d’avoir deux personnes de la même ethnie sur l’habitation. S’il existait un couple, on les séparait à la vente. La cellule familiale a été réduite à néant. On voit les traces de tout cela aujourd’hui. 

     

    Justement, qu’est-ce qui subsiste de ce système dans la société guadeloupéenne ? 

    Je remarque, par exemple, que 80% des actes de propriété sont au nom de femmes. L’esclavage a fait des hommes des procréateurs irresponsables car le Code noir dit que l’enfant a « la qualité de la mère » : si sa mère est une femme libre, l’enfant naît libre : si la mère est esclave, l’enfant né esclave. Le père est donc toujours inconnu, comme écrit dans les actes. C’est tellement pratique que nous nous sommes vautrés là-dedans. Et comme les lois sociales donnent une prime aux femmes seules, ça arrange tout le monde. Mais cela n’empêche pas la femme de vivre en contrebande avec le gars ! J’ai découvert qu’il y a au moins 30%de familles où les femmes ne se marient pas. Aussi, dans la plantation, un esclave ne transmettait rien à ses enfants ni à quelqu’un de plus jeune car le maître n’aurait plus voulu de lui. La seule chance pour l’esclave de rester auprès de son maître était de garder son secret. Même la mère craignait que sa fille lui prenne sa place. C’est pourquoi, ici, on continue de ne pas marcher ensemble. On se méfie beaucoup les uns des autres. 

     

    Vous-même, vous semblez suspicieux, notamment vis-à-vis de ceux appelez les « nègres blancs », les « Blacks marbrés » ou les « négropolitains »… 

    Oui, ceux qui sont noirs à l’extérieur et blancs à l’intérieurs, comme les pommes de terre ou les ignames ici ! Ils ont oublié leurs origines. Ils ne sont chez eux nulle part. Pour les Guadeloupéens, on ne peut pas réussir simplement parce qu’on est bon, ça passe forcément par le réseau. Et c’est encore à cause de l’esclavage 

     

    N’avez-vous pas peur de choquer, en particulier les enfants, auprès de qui vous intervenez souvent ? 

    Je vais dans les écoles et, après mon passage, certains élèves en veulent à leurs parents de leur avoir caché leur histoire. Il ne faut pas faire pleurer, ni éveiller des haines qui transformeraient l’enfant en arme. Mais il faut que les jeunes sachent. L’une des formes de réparation, ce serait de mettre tout cela dans les livres d’histoire. Que les petits Français apprennent qui étaient leurs ancêtres. On ne demande pas le pardon, car ils ne sont pas responsables, mais il ne faut pas laisser perdurer l’ignorance. C’était il n’y a pas si longtemps. Tout le monde connaît Napoléon pour le Code civil, mais combien de Français savent qu’il a rétabli l’esclavage en Guadeloupe en 1802 après huit ans de liberté ? 

     

    Vous terminez actuellement vos recherches sur les Indiens venus remplacer la main-d’œuvre esclave en Guadeloupe en 1855. Que vous reste-t-il encore à trouver ? 

    Je me suis mis à l’abri d’Alzheimer toutes ces années mais j’arrive au bout de mes recherches. J’ai encore six mois de travail et j’irai rejoindre ces morts que j’ai déterrés. 

     

    L’espace Généalogie du Mémorial ACTe vous permet aujourd’hui de mettre des visages sur les noms que vous avez répertoriés. Qu’espérez-vous pour la suite ? 

    Je voudrais que mon travail fasse des petits, que les arbres grandissent. Les jeunes de l’espace Généalogie que j’ai formés vont aider les Guadeloupéens à enrichir les bases de données. Je souhaite qu’ils poursuivent ce travail avec la passion dont ils font preuve aujourd’hui. Car il ne faut pas oublier que, contrairement aux Américains qui ne disposent d’aucune archive, la France a répertorié et classifié des documents d’état civil qui nous permettent de savoir qui nous sommes. C’est là le monstrueux paradoxe de ce système esclavagiste. 

    Article paru dans Paris-Match 


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  • Agatha Christie : sa vie est un roman !
     

    Elle est l’écrivain britannique de fiction le plus lu au monde derrière… Shakespeare. Quarante ans après sa mort, le 12 janvier 1976, Agatha Christie reste la reine du roman policier.

     

    Deux milliards d’exemplaires vendus !

    Elle aurait pu être chanteuse. Elle prendra la plume. Et signera une œuvre foisonnante et singulière qui bousculera à jamais les codes du roman policier. En ce début du XXème siècle, l’affaire n’allait pas forcément de soi. Il fallait l’excentricité, la détermination et surtout le talent d’une jeune Anglaise pour réussir ce tour de force. Agatha Christie, aujourd’hui, est l’auteur de ­ fiction le plus lu au monde avec deux milliards d’exemplaires vendus ! Mais revenons en 1890, le 15 septembre à Torquay. La petite Agatha Miller voit le jour. Sa mère veut la destiner au chant et l’envoie, à 16 ans, étudier l’opéra à Paris. Cette orientation est rapidement écartée et Agatha épouse Archibald Christie. Elle donne plus tard naissance à Rosalind, sa ­fille unique. Finalement, à la suite d’un pari avec sa sœur, la jeune femme à l’allure si sage écrit son premier roman.

    « La Mystérieuse Affaire de Styles » paraît en 1920 et met en scène celui qui deviendra l’un de ses personnages fétiches: le détective Hercule Poirot. Le livre rencontre un succès d’estime mais c’est seulement six ans plus tard, avec « Le Meurtre de Roger Ackroyd », que l’écrivain remporte l’adhésion des lecteurs. La pirouette narrative du dénouement concentre toute la virtuosité de l’auteur et confirme son habileté dans l’art de détourner l’attention du lecteur. Si le public adore, la critique, elle, n’hésite pas à éreinter Agatha Christie, qui n’en a cure. Bourreau du travail, elle poursuit son labeur au rythme frénétique de deux romans par an, parcourt seule l’Europe, prend des notes, saute dans les trains et visite le Moyen-Orient.

    Max Mallowan, le grand amour de sa vie

    Lors d’un séjour à Bagdad, en Irak, elle rencontre l’archéologue Max Mallowan. Leur grand écart d’âge (elle est de quinze ans son aînée) ne sera pas un obstacle à leur mariage, en septembre 1930. Il sera son second mari et le grand amour de sa vie. Avec lui, elle fait le tour du monde et s’initie à l’archéologie. De ses voyages, l’écrivain tirera le cadre de quelques-unes de ses plus célèbres intrigues ainsi qu’une fascination durable pour l’Orient (« Le Crime de l’Orient-Express » (1934), « Mort sur le Nil », 1937).

    Après des années d’une vie trépidante, la romancière se retire dans sa maison de Wallingford en Angleterre sans pour autant cesser d’écrire. En 1971, anoblie par la reine d’Angleterre, elle déclare : "Je viens de vivre le plus beau jour de ma vie." À 75 ans, la pionnière du polar donne le coup de grâce à son cher Hercule (« Hercule Poirot quitte la scène », paru en 1975) avant de s’éteindre paisiblement le 12 janvier 1976.

     

    • 3 détectives hors-pair

    Hercule Poirot : Imbu de sa personne et maniéré, le fameux détective d’origine belge est aussi un enquêteur de haut vol. Très fier de sa moustache, un brin maniaque, il met un point d’honneur à soigner son allure. Sa méthode pour démasquer les coupables : s’asseoir dans un fauteuil et faire travailler "ses petites cellules grises".

    Le capitaine Arthur Hastings : Fidèle second d’Hercule Poirot, il accompagne son ami dans ses plus étranges enquêtes. Très effacé par rapport à son illustre aîné, il est de nature simple, discrète et généreuse. Poirot lui reproche souvent son manque de "jugeote".

    Miss Marple : Célibataire endurcie, elle a déjà un certain âge lorsqu’elle apparaît en 1930, dans « L’Affaire Protheroe ». Ce détective en jupon mène une vie apparemment paisible, entre jardin et tasses de thé mais attention, rien ne lui échappe. Comme un fin limier, elle démêle le fil des enquêtes grâce à son intuition toute féminine et sa compréhension aiguisée de l’âme humaine. 

     

    • Le record des records

    Tous les romans d’Agatha Christie sont disponibles chez le masque, son éditeur historique, parmi les plus connus: « Le Meurtre de Roger Ackroyd » (1926), « Le Crime de l’Orient-Express » (1934), « Mort sur le Nil » (1937) et « Dix Petits Nègres » (1939), le plus vendu au monde. Selon le Guinness des records, elle est l’auteur de fiction le plus lu avec deux milliards d’exemplaires vendus (quatre millions chaque année), son œuvre comprend 72 romans, mais aussi des nouvelles, contes, poèmes… et des histoires d’amour sous un pseudonyme: Mary Westmacott.

     

    • Le mystère de sa disparition

    Le 4 décembre 1926, très affectée par la mort de sa mère et l’infidélité de son premier mari, Agatha Christie disparaît du domicile conjugal. Sa voiture, son sac et son manteau sont retrouvés en rase campagne. Enlèvement, meurtre, suicide ? Les gazettes s’emparent du fait divers que la reine du crime aurait peut-être orchestré pour se venger de son mari volage. Dix jours plus tard, elle est retrouvée dans un centre thermal du comté du Yorkshire sous un faux nom.

    Amnésie ? Dépression ?

    Le mystère ne sera jamais élucidé, entretenant ainsi sa légende.


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