• L’abandon de l’Algérie était voté

    Par 75 % des votants, l’autodétermination, donc l’abandon de l’Algérie par la France, était votée.

     

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    FacebookTwittLe 8 janvier 1961, les Français étaient convoqués devant les urnes pour approuver, par référendum, le projet de loi sur l’autodétermination en Algérie voulu par de Gaulle. Par 75 % des votants, l’autodétermination, donc l’abandon de l’Algérie par la France, était votée.

    Interrogé en novembre 2009, à l’occasion d’un reportage du magazine Historia, Alain Duhamel, chroniqueur à RTL et l’un de nos plus éminents journalistes politiques, répondait à la question posée : « Quel est, selon vous, l’acte de trahison le plus retentissant de la Ve République ? », « Sans aucune hésitation, celui du général de Gaulle vis-à-vis des Français d’Algérie. De Gaulle et l’Algérie, c’est vraiment une trahison de nature politique. Si j’ose dire, c’est une trahison d’État. »

    Un mois plus tard, en février 1961, naissait à Alger l’OAS (Organisation armée secrète), sous l’autorité militaire du colonel Godard. Il est certain que l’OAS n’aurait jamais vu le jour si de Gaulle avait respecté sa parole et n’avait pas trahi.

    Avant même que l’on entende parler de l’OAS, une organisation de « barbouzes » sévissait déjà en Algérie et s’illustrait en pratiquant des enlèvements, en torturant des partisans de la présence française et en plastiquant en toute impunité. Il s’agissait du MPC (Mouvement pour la coopération), mis en place par Jacques Dauer, sur ordre de De Gaulle.

    Par la suite, en décembre 1961, ce sera la constitution d’une police parallèle, sous le nom de Mission C, dirigée par le directeur de la police judiciaire, Michel Hacq, avec sous ses ordres 200 commissaires et officiers de police soigneusement sélectionnés.

    Christian Fouchet, haut-commissaire du gouvernement en Algérie, rendait compte directement à de Gaulle, via Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes.

    Plus de 500 victimes à l’actif de cette organisation et Fouchet put se féliciter de ces succès en déclarant : « Il faut remonter au XVIe siècle pour trouver l’équivalent de telles mesures répressives. »

    Constantin Melnik, conseiller pour la sécurité du Premier ministre de l’époque, Michel Debré, avoua dans son livre De Gaulle, les services secrets et l’Algérie avoir reçu les ordres de pratiquer des attentats afin d’incriminer l’OAS, avec l’aide du SDECE. Par exemple, le plastiquage du restaurant Le Grand Rocher, à Alger, le 22 décembre 1961 (bilan 12 morts), des exécutions attribuées à l’OAS, l’explosion du Quai d’Orsay à Paris (un employé tué et une vingtaine de blessés), l’explosion d’une voiture piégée, le 10 mars 1962, à Issy-les-Moulineaux (3 morts et 43 blessés), le mitraillage de la façade du Parti communiste, place Kossuth à Paris (un blessé), etc. Plus d’une vingtaine d’explosions et de plastiquages qui, tous, furent attribués à l’OAS et qui aboutiront à la manifestation organisée par le PC et les syndicats de gauche qui laissera 9 morts parmi les manifestants qui tentaient de se réfugier au métro Charonne.

     

    Davantage de détails dans mon livre J’accuse de Gaulle

     

    Manuel Gomez Ecrivain

    Article paru dans Boulevard Voltaire

     


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  • Percée à partir de 1895, la rue Réaumur (2ème et 3ème arrondissements) est un fabuleux témoin de l’architecture du début du 20e siècle, symbole d’un urbanisme nouveau imaginé par les architectes de l’époque.

    La rue a en effet été construite après plusieurs modifications du cahier des charges des immeubles parisiens, régis jusque-là par la très stricte réglementation Haussmannienne. Alors qu’avant les immeubles devaient respecter une même hauteur et des mêmes lignes principales de façades pour ne former qu’un seul et même ensemble architectural, de nouveaux décrets (1882, 1884, 1902) assoupliront ces normes.

    L’inventivité des architectes fut alors à nouveau libérée, et ceux-ci expérimenteront rue Réaumur de nouvelles formes urbaines et l’utilisation de matériaux nouveaux (fer et béton). La Mairie de Paris organisera même pour l’occasion un « concours des façades ». Concours à l’origine uniquement réservé à la rue Réaumur, que la Mairie étendra par la suite à tout Paris.

    Arpenter la rue Réaumur, depuis la Bourse jusqu’aux Arts et métiers, est à la fois une découverte des recherches architecturales du début du 20ème siècle,  ainsi qu’un pur plaisir pour les yeux ! (Nous proposons ici un parcours depuis la Bourse, mais celui-ci peut très bien se faire dans le sens inverse).

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

    Note : la rue Réaumur avait un objectif principalement commercial. Les bâtiments devaient abrités du commerce de gros et de textile. Les architectes faisaient donc face à un double enjeu : concevoir un bâtiment dans lequel fabriquer et vendre, et proposer une architecture originale jusque-là inconnue.

     

    Juste après la Bourse, remarquez le n° 132-134. Cet immeuble en pierre de taille avec dôme et horloge a été construit en 1899-1900 pour une banque. Immeuble primé au Concours des façades de la ville de Paris.

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

     

    En face, 121 de la rue Réaumur, appréciez la rotonde composée de Bow-Windows, et l’utilisation de la ferronnerie pour les balconnets,

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

     

    124 rue Réaumur. Cet immeuble  est caractéristique des constructions industrielles pendant la période art nouveau. Ses éléments les plus originaux sont l’ossature apparente en acier,  les bow-windows du 4e étage et l’apparition étonnante de la brique au 5e étage.

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

     

    Le 118 rue Réaumur, construit en 1900, illustre aussi l’adaptation de l’art nouveau aux impératifs d’une activité commerciale. La construction en pierre de taille est symétrique (une rareté dans l’Art Nouveau !) et la façade présente une grande verrière en métal sur 3 niveaux.

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

     

    A côté, l’immeuble au n° 116 rue Réaumur a été primé en 1898 au concours des façades de la ville de Paris

     

    Au 97 de la rue se trouve un immeuble dans le mêle style que le n°118.

     

    Le 82-96 de la rue est un bâtiment typique de la construction des grands magasins au 19ème siècle. Inauguré en 1897 en même temps que l’inauguration de la rue, il accueillera le grand Magasin A Réaumur jusqu’en 1960. Il abrite aujourd’hui différents commerces et bureaux. A l’angle de la rue Saint-Denis, ne loupez pas la belle horloge entourée de mosaïques polychromes.

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

     

    En face du grand magasin, au n° 69, se trouve un très joli bâtiment de 2 étages en pierre de taille surmontés d’une superbe verrière métallique, construit en 1898.

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

     

    Plus loin, au 61-63 rue Réaumur, vous découvrirez l’un des plus beaux immeubles de la rue. Élevé en 1898, il présente une façade néogothique surmontée d’une horloge monumentale. Les sculptures au-dessus de la porte représentent les saisons et les signes du Zodiaque, et à côté de chaque chiffre du cadran de l’horloge, se trouvent une évocation des 12 mois de l’année.

     

    Symbole de l’architecture du 20ème siècle

     

    Découvertes non-exhaustives bien sûr. N’hésitez donc pas pendant votre balade à garder votre tête bien haute, et vos yeux bien ouverts !

    Article paru dans Un jour de plus à Paris

     


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    Une vie déracinée

    Plus de quarante ans après avoir été enlevée à sa famille, Marlène Ouledy, de son nom de plume, raconte son histoire des Enfants de la Creuse.  

     

    Avranches. De 1963 à 1982, plus de 1 500 enfants réunionnais ont été déplacés de force afin de venir repeupler certaines régions en Métropole. Parmi eux, Marlène Ouledy, qui témoigne de sa quête d'identité.

     

    Témoignage
    Événement encore trop souvent méconnu du grand public dans les départements français métropolitains, l'affaire des Enfants de la Creuse a pourtant eu un très fort retentissement à la Réunion. Pendant près de 20 ans, sous l'autorité de Michel Debré alors député de l'île, 1 630 enfants ont été déplacés pour être remis en familles d'accueil, essentiellement dans la Creuse et dans le Cantal, avec pour objectif le repeuplement des zones rurales désertées. Bon nombre d'entre eux ont en fait été utilisés comme des travailleurs sans salaires, par des familles parfois peu scrupuleuses.

    Mis en place par le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer (Bumidom) de Michel Debré, ce programme visait tout enfant reconnu pupille de l'État, orphelins pour certains d'entre eux seulement. Craignant probablement qu'une fois devenus adultes, les enfants défavorisés de la Réunion se tourneraient vers la voie de l'autonomisme, le Bumidom a en effet arraché bon nombre de ces enfants à leurs familles et à leur île. Marlène Ouledy, installée à Avranches depuis près de 10 ans, fait partie de ces déracinés.


    Une identité retrouvée

    « J'ai été arrachée des bras de ma demi-sœur quand j'avais 9 mois, puis j'ai été mise en pouponnière avant d'être placée, à quatre ans, dans une famille à Pléneuf-Val-André, en Bretagne », indique-t-elle.

    Marlène Ouledy n'est pas son nom officiel, enregistré par l'état civil. C'est pourtant son nom de naissance, effacé à son arrivée en France, et qu'elle n'a connu qu'au début des années 1990, alors qu'ayant atteint l'âge adulte, elle cherchait à remonter le fil de son histoire.

    Arrivée en Normandie, et après plusieurs années de démarches auprès de la Ddass, Marlène a ainsi pu reprendre contact avec les membres de sa famille restés à la Réunion, et découvrir l'existence de huit frères et sœurs. L'un de ses frères avait été déraciné lui aussi, et placé dans une famille à Caen, à seulement quelques dizaines de kilomètres de chez elle, sans qu'ils n'en aient jamais rien su.

    Des découvertes qui ont contribué à ce que Marlène puisse enfin se forger une idée plus claire de sa propre identité : « J'ai notamment appris qu'un de mes frères avait évité de se faire placer en se cachant sous la table lorsqu'il voyait les gendarmes arriver. Beaucoup d'Enfants de la Creuse ignorent encore aujourd'hui leurs réelles origines. »

    Une souffrance que Marlène essaye tant bien que mal d'atténuer à son échelle : « Il y a quelques années, une amie d'enfance dans le même cas que moi, est venue me trouver pour me demander de l'aider à retrouver ses origines. Après quelques jours de démarches, elle a, à son tour, pu reprendre contact avec sa famille. »

     

    Le livre d'une vie

    Commencé il y a de cela près de 25 ans, Marlène vient d'achever son livre : Une âme vagabonde, chroniques d'une vie déracinée, coécrit avec Henri-Romain Hours, biographe privé. Un roman autobiographique, qui derrière l'emploi de la troisième personne du singulier, révèle les souffrances d'une vie passée à la recherche du « je », entre maltraitance et racisme, mais aussi espoir et rencontres salvatrices : « J'ai un peu écrit ce livre comme une thérapie. Il est important de faire connaître cette histoire, en particulier aux jeunes générations. C'est inadmissible de pouvoir arracher des enfants à leur famille comme cela. Nous avons subi une déportation de masse, emmenés comme du bétail par cargos entiers. Certains ont gardé de graves problèmes psychologiques, des dérives suicidaires... »
    Aujourd'hui auxiliaire de vie, assistante maternelle et écrivain, Marlène, de son nom de plume, semble avoir tourné la page : « Je pense avoir eu un plus de chance que d'autres », mais elle n'oublie pas.

    Article paru dans Ouest-France

     

    Marlène distribue pour l'instant son livre, Une âme vagabonde, chroniques d'une vie déracinée, sur internet grâce aux sites www.bookelis.com et www.lulu.com.

     


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    De la reconnaissance pour ce qu’on a vécu

    Photo de classe, avec une majorité de Réunionnais, à Quézac (Cantal), en 1965. Photo collection Jean Charles Pitou

     

    Une vingtaine d’anciens enfants réunionnais, déplacés entre 1963 et 1982 dans des départements de métropole touchés par l’exode rural, ont été auditionnés, ce vendredi, à Paris par la commission nationale chargée d’enquêter sur cette migration forcée. Ces enfants avaient été surnommés les « enfants de la Creuse » car un certain nombre d’entre eux avait été conduit dans ce département, mais pas seulement là.

    La Commission d’information et de recherche historique sur la migration forcée des «Enfants de la Creuse», installée en février 2016 par le ministère des Outre-mer, a auditionné une vingtaine de personnes ce vendredi.

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    Il s’agit d’anciens Réunionnais, déplacés entre 1963 et 1982 dans des départements de métropole alors qu’ils étaient enfants. D’autres «ex-mineurs transplantés» seront entendus, ce dimanche à Guéret (Creuse), par les cinq experts de la Commission Une première audition a déjà eu lieu en octobre à la Réunion.

     

    Leur donner la parole

    L’objectif de ces auditions, «cest de leur donner la parole, connaître leurs difficultés, leurs attentes, leurs espoirs», a expliqué le sociologue, Philippe Vitale, qui préside la commission.

    Les «Enfants de la Creuse» est le nom donné à ces enfants réunionnais qui, reconnus pupilles de l’État souvent sans le réel consentement de leurs parents, ont été placés en foyer, familles daccueil ou familles adoptives dans 64 départements de l’Hexagone touchés par l’exode rural, et notamment dans la Creuse, au prétexte de résoudre les problèmes de démographie galopante et de grande pauvreté que connaissait alors La Réunion.

     

    2150 enfants concernés

    Un épisode méconnu sur lequel la commission doit faire toute la lumière et rendre ses conclusions en février 2018. Elle a déjà recensé un total de 2150 enfants concernés. Arrachés à leur île et leur famille, ces enfants nont parfois jamais remis les pieds à La Réunion, ont perdu tout contact avec leurs familles et ne connaissent pas leur histoire.

    Au ministère des Outre-mer, où avait lieu l’audition, Jean-Luc Echiza, 58 ans, dit vouloir «de la reconnaissance pour ce quon a vécu», et «être indemnisé». Arrivé à 10 ans dans l’Hérault et placé successivement dans plusieurs fermes, il dit «avoir été pris dans lengrenage, sans comprendre», et s’être «fait une famille tout seul». Il n’est retourné à La Réunion pour la première fois qu’à 30 ans, pour retrouver une mère déjà âgée et se découvrir «une demi-sœur».

     

    J'ai appris que javais des frères et sœurs qu’à 16 ans

    Valérie Andanson, membre de la Fédération des Enfants Déracinés des départements et régions d’outre-mer, veut retrouver sa «véritable identité». «Aujourdhui je nai plus aucune racine», déplore cette femme de 53 ans transplantée en Creuse à 3 ans, avec ses 5 frères et sœurs, dans des familles séparées. «Je n’ai appris que j’avais des frères et sœurs qu’à 16 ans», dit-elle.

    Parmi les principales demandes faites à la commission: obtenir des billets davion et des hébergements pour se rendre à La Réunion, avoir lentier accès à leur dossier, obtenir un lieu mémoriel et la mise en place de cellules psychologiques.

    Article paru dans Ouest-France

     


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