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Où l’on apprend que le piratage, ce n’est pas nouveau.
Angleterre, 1733. William Hogarth est un graveur renommé et tout le monde est impatient de voir sa dernière œuvre.
Il s’agit d’une série de huit gravures, La Carrière d’un libertin. Mais les Anglais devront patienter : Hogarth décide de retarder la publication de son travail. Qu’attend-il ?
William Hogarth, La Carrière d’un libertin, planche n°1 : le jeune héritier prend possession des biens de l’avare, 1733-1735, gravure, 35 x 41 cm, SCAD Museum of Art, Savannah
L’artiste s’estime victime de son succès ! Sa dernière œuvre, La Carrière d’une prostituée, a été trop appréciée.
Ce cycle moralisateur de six gravures conte le déclin d’une jeune femme respectable qui tombe dans la prostitution. Le public est conquis ! À tel point que la série est reproduite de nombreuses fois… sans l’accord de l’artiste.
William Hogarth, La Carrière d’une prostituée, planche n°3, 1732, gravure, localisation inconnue
Hogarth a peur que La Carrière d’un libertin ne connaisse le même sort. Il décide donc de prendre les choses en main : il interpelle le Parlement !
Fédérant plusieurs autres graveurs, Hogarth mène une campagne pour la protection de leur art. Pas question de publier de nouvelles œuvres avant d’avoir obtenu gain de cause !
William Hogarth, La Carrière d’un libertin, planche n°2 : entouré d’artistes et de professeurs, 1733-1735, gravure, 35 x 41 cm, SCAD Museum of Art, Savannah
Le Parlement finit par céder : en 1735, il promulgue une nouvelle loi. Grâce à celle-ci, surnommée la "loi Hogarth", les graveurs peuvent tranquillement exercer leur art. Un véritable copyright les protège désormais.
Hogarth peut alors diffuser La Carrière d’un libertin en toute sécurité. Il y dépeint un jeune héritier pris au piège de l’argent facile. Le public admire encore une fois son talent et la portée morale de son art.
Les artistes peuvent remercier la ténacité d’Hogarth : grâce à lui, les copieurs sont punis !
William Hogarth, L’Artiste et son carlin, 1745, huile sur toile, 90 x 69 cm, Tate Britain, Londres
William Hogarth, La Carrière d’un libertin, planche n°3 : à la taverne, 1733-1735, gravure, 35 x 41 cm, SCAD Museum of Art, Savannah
Article paru dans Artips
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Où l’on découvre des cuillères bien en jambes.
Voilà une cuillère pas banale ! Elle est juchée sur deux jambes courtes et musclées.
Ce curieux objet en bois a été créé par un sculpteur Dan, en Côte d’Ivoire. Et sa fonction est tout aussi surprenante que sa forme…Pas question de touiller la soupe avec un ustensile aussi puissant ! Cette cuillère est un objet cérémoniel dans lequel vient se nicher un esprit bienveillant.
Dans la culture Dan, les villageois désignent et récompensent la « meilleure hôtesse » en lui offrant ce prestigieux cadeau. Il faut donc y voir un symbole de statut social. Mais que faire pour mériter ce titre ?Cuillère cérémonielle anthropomorphe, Culture Dan, Côte d’Ivoire, 2005, bois et métal, 56 x 13 cm, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris
Attention, la liste est longue. Il faut non seulement être la femme du village la plus travailleuse, la plus généreuse, mais aussi celle qui reçoit le mieux ses invités, qui organise les fêtes les plus réussies et dont les affaires sont couronnées de succès ! Pour maintenir une telle performance, l’élue a bien besoin d’un coup de main…
C’est là qu’elle peut compter sur l’esprit de la cuillère. Grâce à son aide, elle parvient à réussir toutes les tâches qu’elle entreprend.
Deux cuillères cérémonielles anthropomorphes, Culture Dan, Côte d’Ivoire, XIXème siècle et première moitié du XXème siècle, bois, environ 70 cm de haut, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris
C’est lors de certains banquets qu’elle organise que la cuillère sert effectivement à contenir quelque chose, du riz par exemple. Son cuilleron bombé devient alors la métaphore d’un ventre fertile.
Le reste du temps, lorsque sa propriétaire n’en a pas besoin, la cuillère est suspendue dans la maison pour que personne n’y touche. Si quelqu’un d’autre l’utilise, gare à lui !
Cuillère cérémonielle anthropomorphe, Culture Dan, Côte d’Ivoire, 2005, bois et métal, 56 x 13 cm, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris. Détail de la cuillère
Pour venir découvrir cette cuillère Dan, rendez-vous au musée du quai Branly - Jacques Chirac, à Paris : avec 200 autres objets et œuvres exceptionnels, elle est présentée dans l'exposition Jacques Chirac ou le dialogue des cultures, jusqu'au 9 octobre 2016.
Découvrir la bande-annonce de l'exposition
Article paru dans Artips
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Où l’on découvre une œuvre qui bassine les rois de France.
En se promenant dans les salles du Louvre, on découvre un objet bien mystérieux. Il est surnommé le « baptistère de Saint Louis » c’est-à-dire le récipient utilisé lors des baptêmes chrétiens…
Drôle de nom pour une œuvre considérée comme la grande fierté du département des arts de l’Islam !
Mohammed Ibn al-Zain, Bassin dit « baptistère de Saint Louis », vers 1320-1340, laiton, incrustations d’or et d’argent, 22 x 50,2 cm, Musée du Louvre, Paris
L’auteur de ce chef-d’œuvre arabe, c’est Mohammed Ibn al-Zain. Cet artisan du XIVème siècle montre l’étendue de son talent avec cette œuvre en laiton, dans laquelle il a incrusté de l’or et de l’argent.
Le décor minutieux, qui recouvre l’intégralité du bassin, fourmille de détails. On y distingue des scènes de bataille, des animaux, des créatures fantastiques et… des fleurs de lys.
Que viennent faire là ces emblèmes de la couronne de France ?
Détail de l’œuvre
Si l’œuvre a effectivement été fabriquée en Égypte, elle a voyagé bien loin, pour atterrir dans les collections des rois de France ! Et les souverains jugent l’objet si beau qu’ils lui donnent un rôle de choix. Le bassin va désormais servir… au baptême de leurs enfants ! C’est d’ailleurs à ce moment-là que sont ajoutées les fleurs de lys.
Ainsi en 1601, le bébé Louis XIII fut plongé dedans. Pour le baptême du fils de Napoléon III, quelques siècles plus tard, on va jusqu’à sortir le fameux bassin des réserves du Louvre ! Après cela, l’œuvre retournera directement au musée.
Armand Auguste Caqué, Médaille du baptême du Prince impérial, XIXème siècle, cuivre, Palais de Compiègne
L’artisan égyptien aurait-il imaginé un tel destin pour son œuvre ? Difficile à dire… En tout cas, il était déjà très fier de son travail. La preuve : il signe son œuvre non pas une, mais six fois !
Mohammed Ibn al-Zain, Bassin dit "baptistère de Saint Louis", vers 1320-1340, laiton, incrustations d’or et d’argent, 22 x 50,2 cm, Musée du Louvre, Paris. Détail de l'œuvre (signature de l'artiste)
Sur le "baptistère de Saint Louis" et le mystère qui l’entoure (vidéo)
http://education.francetv.fr/matiere/architecture/quatrieme/video/un-baptistere-mysterieux
Article paru dans Artips
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En mai 1868, Le Figaro évoque l’inauguration de l’église parisienne Saint-Augustin et critique vertement le travail de Victor Baltard, l’architecte des Halles. Son édifice ressemblerait à un « objectif de photographe ».
Si sa création des Halles centrales en plein cœur de Paris avait suscité l’enthousiasme, le dessin de l’église Saint-Augustin par le même architecte, Victor Baltard, laisse bon nombre d’observateurs dubitatifs. Dans son édition du 30 mai 1868, Le Figaro écrit ainsi : « M. Victor Baltard est l’architecte des Halles centrales, la plus merveilleuse conception de l’édilité parisienne. Il a dépensé dans cette œuvre toute son intelligence, tout son savoir, tout son goût, et j’ose même dire tout son génie. Aussi ne lui est-il plus rien resté de tout cela quand il s’est agi de construire l’église Saint-Augustin, qu’on a inaugurée hier. »
Poursuivant la critique, le journaliste Alfred d’Aunay se fait plus précis: « On a tout dit sur l’extérieur, qui ressemble fort à un immense objectif de photographe surmonté d’un gâteau de Savoie. Quant à l’intérieur, cela désarme la critique. On sent l’effort d’un constructeur habile, qui a voulu appliquer à un édifice religieux tous les engins métalliques avec lesquels on confectionne les usines et les gares de chemins de fer. » Impitoyable, il explique : « La voûte semble une grande brèche, tendue sur un réseau de grillages. Au milieu on voit un immense trou rond. Quand on est au-dessous, on sent que c’est un dôme admirable de proportions, mais qui ferait mieux au-dessus de la piste d’un cirque, ou du parterre d’un alcazar. »
Un orgue absolument merveilleux
En fait, ce qui perturbe Le Figaro, c’est que cette architecture profane s’accorde mal au sacré. « Certes, il est bon de bâtir des églises, mais on devrait songer en même temps à former nos artistes pour les concevoir dans un sentiment plus chrétien », résume le quotidien. Il reste tout de même un élément à sauver dans cette réalisation selon Alfred d’Aunay: son orgue qui est « absolument une merveille » et « une des curiosités de Paris ». « Il a été construit par M. Barker, l’inventeur du levier pneumatique, précise l’article. Il a trois claviers et quarante-deux registres. La transmission se fait par l’électricité, ce qui permet, au moyen d’une pile de vingt-quatre éléments, de supprimer toutes les parties mécaniques et d’éviter tout dérangement. Le clavier y gagne une douceur et une précision incomparables. » Pour Le Figaro, Saint-Augustin serait donc une église à regarder avant tout avec ses oreilles...
Article paru dans Le Figaro
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Jeanne Weber est une jeune bretonne qui débarque à Paris à la fin du 19ème siècle. Elle se spécialise rapidement dans la garde d’enfants de familles parisiennes du 18ème arrondissement. La mort va la suivre comme une étrange malédiction.
Dans les années 1890, ses deux jeunes enfants vont mourir sans raisons bien identifiées. Insalubrité, maladies… à cette époque-là, les morts infantiles étaient fréquentes. Personne ne s’inquiète, ni-même son mari Jean, qui supporte cependant mal ces deux décès et sombre petit à petit dans l’alcool.
Dans les années qui suivent, deux autres enfants qu’elle garde meurent également sans raisons apparentes.
L’une de ses propres nièces va également finir par mourir après l’une de ses gardes. Cette fois-ci, la suffocation est évoquée pour expliquer sa mort, mais personne n’ose accuser cette « pauvre » Jeanne que tout le monde plaint.
Un jour, elle déjeune avec les deux sœurs de son mari Jean. À la fin du repas, elles vont faire un tour. Jeanne quant à elle reste dans la maison et se retrouve seule avec Maurice, son neveu d’à peine 10 ans. Rentrant de leur balade, les belles-sœurs retrouvent Jeanne à califourchon sur le pauvre enfant tentant de l’asphyxier. C’est la fois de trop. Elle se retrouve jugée pour le meurtre de 8 enfants du quartier de la Goutte d’Or !
Défendue par un bon avocat, et grandement aidée par le médecin du parquet qui conclue à des morts naturelles, elle est finalement acquittée. Elle réussit même à se faire passer pour la victime de cette affaire auprès de la presse de l’époque !
Elle décide alors de quitter Paris et s’installe dans l’Indre où elle change de nom et réussit à se faire embaucher pour s’occuper à nouveau d’enfants d’une famille du coin. L’un des enfants va étrangement mourir dans ses bras. Malgré une nouvelle enquête et un nouveau jugement, les médecins parisiens n’ont pas souhaité revoir leur position et elle sera à nouveau acquittée.
Elle change à nouveau d’identité, et réussit à travailler dans un hospice d’enfants. Quelques temps et meurtres d’enfants plus tard, celle qu’on surnomme l’Ogresse de la Goutte d’Or est prise en flagrant délit en 1908 d’assassinat par étouffement d’un enfant de 7 ans.
Déclarée (enfin) coupable d’une dizaine d’infanticides, elle est internée dans différents asiles avant de mourir en 1918 d’une crise de folie…
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